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modéré, le plus pacifique de ces vice-rois, fut obligé, peu de temps après, d’ajouter à l’empire, déjà si énorme des Indes anglaises, de vastes provinces couvertes pour la plupart de forêts impénétrables, presque désertes, malsaines, en dehors des limites naturelles de cet empire. On ne pouvait douter qu’il ne s’écoulât bien des années avant qu’aucune de ces provinces pût payer les dépenses auxquelles cette prise de possession entraînerait le gouvernement ; mais il n’y avait pas à reculer. Il était absolument nécessaire d’interposer cette barrière entre les paisibles sujets de la compagnie et leurs barbares voisins, et de procurer en même temps un asile aux tributaires forcés ou sujets à moitié soumis des Birmans qui avaient franchement aidé les Anglais pendant la guerre. Il n’était pas moins nécessaire d’infliger aux Birmans un châtiment dont ils pussent se souvenir. Ces diverses conditions, auxquelles il a fallu satisfaire, ont placé les Anglais comme maîtres d’Assam, Arrakân et Tanasserim, parmi les souverains de l’Hindo-Chine. L’Angleterre, après avoir franchi l’Indus, a donc aussi désormais de hautes destinées à accomplir au-delà du Barrhampoutter, et peut-être de grands dangers à courir, car la tête tourne quand il faut voir de si haut et si loin. L’œil de l’homme ne peut envisager sans crainte un pareil avenir.

Quant au Napâl, quoique sa puissance ait été considérablement amoindrie par le traité que lui imposa lord Hastings, au mois de décembre 1815, après deux campagnes assez meurtrières, c’est encore un voisin formidable pour la compagnie. Les Ghaurkas, race dominante du pays, ont toute la fierté, le courage, l’ardeur impétueuse de caractère qui distinguent généralement les montagnards. Le pays, naturellement fort par sa configuration plastique, oppose sa redoutable inertie à la science militaire et à la haute discipline de l’armée anglaise. Toute la population libre dans le Napâl a une éducation essentiellement militaire, et est soumise à un système de recrutement à la fois efficace et populaire. Elle a des communications sûres et secrètes avec les Birmans, d’un côté, et les passes de ses montagnes peuvent la conduire inaperçue, de l’autre, à l’entrée des grandes et fertiles provinces de Bénarès et de Patna. Les dispositions belliqueuses des Napâlais, et la confiance tant soit peu orgueilleuse qu’ils ont dans les ressources stratégiques de leur pays, les entraîneront peut-être à essayer de laver dans le sang anglais l’outrage du traité de 1815. Mais l’état politique de ces contrées donne plutôt à penser que les Anglais auront à intervenir dans des dissensions intestines, et finiront par établir d’une manière définitive leur influence suze-