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DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.

D’ailleurs il ne faut pas perdre de vue que l’Angleterre s’imposerait un sacrifice non-seulement immense, mais complètement inutile, en renonçant à la culture du pavot. D’autres nations ne manqueraient pas de s’occuper d’une branche de revenus aussi productive, et exploiteraient, avec une avidité plus que tout ce que l’on s’est cru en droit de reprocher à l’Angleterre dans cette question, la passion des Chinois pour l’opium. Quant à la prétendue futilité des motifs qui ont déterminé l’Angleterre à faire la guerre à la Chine, ou plutôt à appuyer ses négociations par des démonstrations belliqueuses, nous croyons en avoir dit assez en résumant les évènemens qui ont amené la rupture pour prouver qu’il faut bien se garder de croire nos journaux ou les journaux anglais sur parole. Les torts ne sont pas tous du côté de l’Angleterre. Les Chinois, dans plusieurs circonstances, ont montré dans leurs relations avec les Anglais, surtout depuis deux ans, le mépris le plus complet pour les plus simples règles de l’humanité et de la justice. Il est entièrement inexact de dire qu’ils ne se sont jamais rendus coupables d’aucun acte de violence et de barbarie à l’égard des sujets britanniques, et quant à la conduite générale des affaires, aux relations de gouvernement à gouvernement, surtout depuis l’arrivée du commissaire Linn à Canton, nous n’hésitons pas à dire que l’Angleterre l’a emporté de beaucoup sur la Chine en modération, en longanimité, en prudence et en justice.

Le seul reproche grave qu’on puisse adresser aux agens du gouvernement anglais en Chine, c’est d’avoir manqué, dans plusieurs circonstances, de résolution, et, dans l’ensemble de leur conduite, de dignité ; ce qu’il faut attribuer surtout à la crainte de compromettre les immenses intérêts confiés à leurs soins, intérêts qui n’étaient pas suffisamment protégés par l’attitude politique de l’Angleterre vis-à-vis de la Chine. Voyez quelle avait été l’impression produite par la conduite du surintendant Elliot, dans l’Inde et en Chine, parmi les Anglais qui y résident ! C’est à qui blâmera la modération et la politesse exagérées de son langage ! — « Que dira-t-on en Angleterre, s’écriaient les journaux de l’Inde, quand on verra que le représentant de notre gouvernement déclare que le peuple anglais vénère une nation qui admet comme parties légitimes de sa tactique militaire l’empoisonnement[1] et l’incendie, et dont le gouvernement

  1. Les Chinois avaient essayé d’introduire à bord des navires anglais en rade de Capsingmoun des caisses de thé empoisonné.