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de choses une disposition habituelle, dans les journaux de Bombay, à interpréter de la manière la plus défavorable les actes du gouvernement, à plus forte raison ses intentions, et une sorte de parti pris d’envisager sa politique intérieure et extérieure comme imprudente, inhabile et aussi injuste qu’imprévoyante. Les journaux du nord de l’Inde et en particulier le Agra Akbar, ne sont pas moins hostiles que les journaux de Bombay et en partie par la même cause : jalousie des avantages de centralisation politique et commerciale dont jouit la présidence du Bengale. Ces journaux accueillent naturellement de préférence les lettres des mécontens de toutes les classes ; or, comme les nouvelles de l’Inde nous viennent par Bombay, et que les journaux de Bombay sont les seuls qu’on reçoive à Paris, on comprend que, hormis les rapports des fonctionnaires publics et autres pièces officielles, on ne peut espérer trouver dans ces journaux des récits bien exacts des faits, ou une appréciation impartiale des actes du gouvernement.

Quant à nos journaux, nous ne sachons pas qu’on puisse s’attendre encore à ce que les extraits ou les traductions qu’ils contiennent de temps à autre, relativement aux nouvelles de l’Inde et de la Chine, donnent une idée générale de ce qui se passe réellement ou au moins probablement dans ces régions lointaines. C’est un sujet trop imparfaitement étudié et compris jusqu’à présent ; les détails de certains évènemens qui intéressent la politique ou le commerce sont souvent inexactement reproduits, faute de connaître l’histoire du pays, les principales habitudes sociales et commerciales, et le sens de certaines expressions. Le mieux renseigné comme le plus circonspect de nos journaux trahit souvent son ignorance de certaines notions premières indispensables à l’intelligence de l’Inde ; il s’est fait, selon nous, l’opinion la plus fausse sur l’état des affaires dans l’Inde et même en Chine. Pour ce qui concerne les affaires de Chine, nous nous bornerons à dire que la presse française n’a suffisamment étudié ni la question du commerce de l’opium, ni celle des véritables causes de la rupture entre l’Angleterre et la Chine. Selon nous, les autorités chinoises ont plus contribué au développement du commerce de l’opium que les spéculateurs anglais eux-mêmes. L’impulsion donnée à la production d’un côté, à la consommation de l’autre, est devenue irrésistible pour long-temps peut-être ; et comme il est tout aussi impossible de supprimer ce trafic aujourd’hui qu’il le serait d’obliger certaines classes de nos populations européennes à s’abstenir de l’usage des liqueurs fortes, ce qu’il y a de mieux et de plus sage à faire en ce moment, c’est de régulariser le débit de cette drogue.