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DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.

faire. On lui fit comprendre, probablement pour la première fois, l’impossibilité où se trouvait le gouvernement anglais d’empêcher l’exportation par aucun moyen légitime. À la fin de la conférence, Ké-shen annonça que, pour l’édification complète de l’amiral aussi bien que pour la satisfaction et la commodité des plénipotentiaires, il s’engageait à récapituler dans une lettre, qu’il enverrait le jour suivant, les vues de l’empereur sur cette grande question, et les mesures que la cour céleste se proposait d’adopter dans les circonstances présentes. On remarqua que pendant toute la durée de la conférence Ké-shen fit invariablement usage des termes les plus convenables et les plus respectueux en parlant de la reine et de la nation anglaise, ayant soin d’employer précisément les mêmes expressions, toutes les fois qu’il avait à faire allusion au rang et à la dignité de la reine ou de l’empereur. Il n’est pas moins remarquable que dans les forts et dans le camp rien n’indiqua, au sujet de cette entrevue, le désir si ordinaire aux Chinois d’en imposer par la profusion des étendards aux couleurs éclatantes, les mouvemens de troupes, la musique assourdissante des gongs, et autres symptômes de la vanité nationale ; il semblait au contraire que tous se fussent donné le mot pour traiter cette rencontre comme une affaire sérieuse et de grande importance. Il paraît que les officiers anglais cherchèrent à obtenir la permission de pénétrer dans les forts et à s’assurer par leurs propres yeux de l’état des choses ; mais on ne leur en donna pas l’occasion, et tout ce qu’ils purent faire fut d’estimer à peu près le nombre de tentes dressées dans la plaine et de pièces en position. On estima qu’il pouvait y avoir quinze pièces en batterie, y compris les six canons de cuivre de lord Macartney, et environ vingt canons de rempart, et tout cela si mal établi, que quelques bordées de la Modeste auraient probablement suffi pour tout démolir.

Le capitaine Elliot avec sa suite prit enfin congé de Ké-shen, retourna à ses embarcations et rejoignit la flotte au mouillage, où l’on vit arriver peu de temps après d’amples provisions de toute espèce, vingt bœufs, deux cents moutons, trois cent quatre-vingt-huit volailles, de l’huile, de la farine, etc. Le jour suivant, la dépêche promise fut apportée au vaisseau amiral, et après avoir dûment considéré et le contenu de cette dépêche et la substance de ce qui avait été avancé par Ké-shen à l’entrevue du 30, les plénipotentiaires expédièrent une lettre où ils donnaient avis au vice-roi qu’ils n’avaient encore reçu aucune réponse précise aux propositions et demandes des ministres de sa majesté britannique, et que, comme l’arrangement proposé par le commissaire impérial ne semblait contenir que de vagues promesses de concessions de la part de la cour de Péking, les plénipotentiaires se voyaient dans la nécessité de terminer toute négociation et de commencer les hostilités, selon les ordres qu’ils avaient reçus, à moins que le gouvernement céleste ne leur donnât un gage immédiat de sa sincérité en autorisant le nouveau commissaire impérial, qu’il annonçait vouloir envoyer à Canton, à consentir à certaines propositions définies, et à mettre à exécution les mesures que ces nouveaux arrangemens rendraient nécessaires.