métropolitaine, le constitue le troisième personnage de l’état), quitter le territoire de l’empire pour aller en mer rendre une visite de cérémonie à un dignitaire étranger, et qu’il concluait que la même cause empêcherait un chef du rang des plénipotentiaires, et plus spécialement l’amiral, de quitter son vaisseau dans un but analogue. Néanmoins, comme il savait que le capitaine Elliot était familiarisé depuis long-temps avec les manières et les usages des Chinois, et reconnaîtrait sans doute de quelle importance serait une conférence, il espérait qu’il voudrait bien, dans cette circonstance, mettre le cérémonial de côté et accéder à sa proposition. » Ainsi donc, le barbare Elliot, dont les lettres, tout dernièrement encore, auraient été rejetées par les subordonnés de Linn (lui-même un commissaire d’un rang inférieur), si elles n’eussent été endossées de ce mot odieux pinn (supplique), est aujourd’hui pressé de la manière la plus respectueuse, par le troisième grand dignitaire de l’empire, de venir au rendez-vous que celui-ci propose, et de traiter avec lui d’égal à égal. La proposition fut, comme on le pense, bien acceptée, et le 30 août au matin six embarcations bien armées, mais avec toutes les précautions nécessaires pour ne pas causer d’alarme, nagèrent vers la rive du Pey-ho avec le capitaine Elliot, M. Morrison, l’interprète, et un nombreux détachement d’officiers de différentes armes en grand uniforme. Quand la flottille approcha de la barre, un bateau vint avec deux mandarins pour escorter les embarcations anglaises ; et, tandis que l’un des mandarins retournait dans un canot pour faire les derniers préparatifs du débarquement, l’autre alla trouver le capitaine Elliot qu’il accompagna à terre, où l’on s’aperçut bientôt que les Chinois, avec leur activité ordinaire avaient su tirer parti du temps qui s’était écoulé depuis la dernière visite des embarcations, pour effectuer de grands changemens et des améliorations importantes. Les deux forts avaient été réparés et mis en état de défense ; le parapet et le fossé, sur la rive méridionale, avaient été complétés et armés de djendjâls et d’autres pièces légères ; les approches du fort avaient été rendues plus difficiles à l’aide de fossés creusés de part et d’autre ; on voyait en arrière de nouveaux ouvrages de campagne sur la rive opposée, et près de la ville, située à une assez grande distance, de longues lignes de tentes. On calcula qu’il y en avait assez pour abriter environ deux mille hommes de troupes, quoiqu’on ne vit que peu de soldats sous les murailles du fort, et aux environs des tentes qui avaient été dressées pour la réception de ces visiteurs incommodes. Sur la partie la plus élevée de la plage boueuse qui s’étendait entre le fort, sur la rive méridionale du fleuve et le bord de l’eau, on avait formé un enclos rectangulaire à l’aide de quanâts (espèce de paravents en toile ou coutil), et au centre de cet espace se trouvait la tente occupée par Ké-shen, dont les dimensions et l’apparence n’avaient rien d’extraordinaire, et quelques autres tentes pour servir de salle à manger, d’office, etc. On avait fait écouler les eaux de l’enclos à l’aide de tranchées pratiquées tout autour, et l’on avait établi un pont de bateaux depuis l’enclos jusqu’à la rivière, en sorte que le capitaine Elliot, suivi de son état-major, put se rendre de pied sec dans la tente de Ké-shen.
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DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.