Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.

tellement prodigieuse dans l’Inde, qu’elle menace d’envahir la presque totalité du sol arable. On peut estimer à deux cent cinquante mille hectares environ la superficie occupée par cette culture dans l’Inde anglaise. Cela suppose une production d’environ quarante mille caisses. La consommation n’avait pas encore atteint ce chiffre en Chine, mais elle avait augmenté dans ces dernières années de manière à causer les inquiétudes les plus légitimes au gouvernement chinois, moins touché des effets pernicieux de la drogue sur la santé et le moral des sujets du céleste empire, qu’effrayé de la quantité de numéraire que l’habitude, comparativement récente, de payer l’opium en argent, enlevait à la circulation. La question, envisagée sous ce point de vue, avait été mise dans tout son jour par les hauts fonctionnaires que l’empereur avait consultés. Les ressources financières de son vaste empire semblaient menacées en effet par le progrès de cette consommation, dont les documens publiés à Canton même ont donné une idée exacte pour les années antérieures à 1838. Il résulte de la comparaison de ces documens que la consommation avait presque triplé en neuf ans (mais il faut bien se garder d’en conclure qu’elle pourrait tripler ainsi tous les neuf ou dix ans) ; que l’importation de l’opium Malwâ avait presque doublé depuis l’abolition des priviléges de la compagnie en Chine (1833) ; que l’importance relative des exportations d’opium Malwâ et d’opium Bengale (c’est-à-dire celui récolté sur les terres de la compagnie) était dans la proportion de 15 à 11, et que les sommes réalisées par les ventes d’opium en Chine (indépendamment des importations d’opium de Turquie qui se font principalement par navires américains) s’évaluaient, en 1836, à plus de 92 millions de francs[1].

Nous sommes sans renseignemens exacts ou complets pour les années 1838 et 1839. On a calculé cependant que la quantité d’opium exportée de l’Inde en 1839 aurait pu être de trente-cinq à quarante mille caisses sans l’interruption des relations commerciales[2]. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’opium était à peu près invendable

  1. La diminution du commerce direct entre Bombay et la Chine, par suite de la rupture entre les deux gouvernemens, a été énorme ; mais le commerce avec Calcutta, Singapour, Manille, a augmenté considérablement de 1838-39 à 1840, et il en a été de même du commerce direct avec l’Angleterre, Bombay ayant presque doublé ses expéditions de coton pour les ports de la Grande-Bretagne en 1839-40, comparativement à l’année précédente. L’importance des affaires avec le Sindh augmentait aussi rapidement.
  2. Admettons le chiffre de 40,000 caisses, et prenons pour poids moyen d’une caisse d’opium 63 kil. 05 : évaluant de plus la quantité d’opium brut qui doit être