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l’agitation sur toutes les côtes de l’empire, de ruiner des milliers de familles étrangères et indigènes, et d’interrompre les relations de paix qui ont existé depuis près de deux siècles entre la cour Céleste et l’Angleterre. » Ce langage, tout mesuré qu’il est, fait pressentir une rupture sérieuse ; mais le paragraphe suivant va droit au but en menaçant respectueusement le grand empereur de lui faire connaître la vérité et d’exiger réparation des insultes et outrages dont les sujets de la reine ont été l’objet. Il résulte même de ce passage, que nous reproduisons textuellement, qu’à l’époque où il a été écrit, le surintendant devait savoir que le gouvernement de la reine avait déjà pris son parti. « Le temps approche, dit le capitaine Elliot, la gracieuse souveraine de la nation anglaise fera connaître la vérité au sage et auguste prince qui occupe le trône de cet empire, et toutes choses seront réglées selon les principes de la plus juste raison. »

Les vingt mille deux cent quatre-vingt onze caisses d’opium furent solennellement ouvertes, et leur contenu, réduit en pâte et délayé dans des cuves construites à cet effet sur la plage, fut jeté à la mer, en présence d’un immense concours de peuple, le 7 juin. À dater de cette époque, bien que le surintendant se fût flatté pendant quelques jours de l’espérance de rétablir les relations commerciales sur un pied amical, et de les mettre à l’abri de nouvelles secousses par l’adoption de certains règlemens concertés avec les autorités chinoises, les choses ne firent qu’empirer, et une collision sanglante entre deux corvettes anglaises et vingt-neuf jonques chinoises, près de l’embouchure de la rivière de Canton, fit évanouir, au commencement de novembre 1839, tout espoir d’accommodement. Cependant le trafic de l’opium, depuis la saisie opérée par le commissaire Linn, reprit une activité prodigieuse, et les spéculateurs anglais trouvèrent leur salut dans la violence même des mesures que les autorités chinoises venaient de diriger contre eux. C’est ici le lieu d’examiner quelle est la part que le gouvernement de la compagnie a prise à la production de l’opium et quelle peut être la véritable extension de la culture du pavot dans les possessions anglaises de l’Inde.

Le monopole de l’opium, considéré comme mesure administrative, avait été le sujet d’une enquête rigoureuse de la part de la commission nommée par le parlement pour examiner l’état des affaires de la compagnie antérieurement à la nouvelle charte, et la correspondance officielle entre les autorités de Londres et celles de l’Inde, au sujet de cette branche de revenus, depuis 1816 jusqu’en août 1830, a été publiée dans un appendice à l’un des rapports de la commission.