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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

versés dans les affaires de politique ou de gouvernement, il sera naturel que la bonne ou mauvaise opposition s’adresse à eux, comme elle s’adresse maintenant aux ministres, en attaquant chacun d’eux dans leurs attributions, et ne se portant que rarement et d’une manière vague sur celui qui préside le ministère-régence. »

Pour bien comprendre la portée de ces conseils donnés à Espartero avec cet inimitable sérieux espagnol qui laisse entrevoir une si mordante moquerie, il faut se rappeler que l’Eco del Comercio est rédigé par les principaux moteurs de la révolution de septembre, et qu’il est depuis plusieurs années l’organe avoué des chefs du grand parti progressiste. Ce parti ne veut pas encore se brouiller ouvertement avec Espartero. Moins avancés que les républicains proprement dits, qui attaquent tous les jours le duc de la Victoire avec une extrême violence dans leur journal l’Ouragan, les meneurs exaltés, tels que Calatrava, Arguelles, etc., affectent de garder de grands ménagemens pour le héros de Bergara et de Morella. Au fond, ils ne le haïssent pas moins, mais ils le craignent et veulent tâter long-temps le terrain avant de se risquer contre lui.

De là ces flatteries hypocrites qui ne trahissent qu’à demi une hostilité implacable.

Cependant, pour qui veut prendre les choses au vrai, ce langage mielleux de l’Eco del Comercio est plus insultant peut-être qu’une attaque directe, en ce qu’il aggrave l’agression par l’ironie. On ne peut rien dire en réalité de plus injurieux pour un homme qui est en possession de la domination politique, que de se montrer si empressé à lui épargner le fardeau de la responsabilité. La responsabilité suit le pouvoir, et qui réduit l’une réduit l’autre. Cette prétendue sollicitude n’est d’ailleurs qu’une menace fort intelligible. Quelle est cette presse qui attaquera si vivement Espartero régent unique, si ce n’est l’Eco del Comercio lui-même ? Qui est-ce qui provoquera cette lutte qu’on semble annoncer entre le régent et les cortès, si ce n’est le parti dont l’Eco del Comercio est l’organe ? Il est difficile de s’expliquer plus clairement, tout en ménageant les apparences.

De son côté, Espartero recommence les mêmes manéges que lors du prononciamiento de Barcelone. Il est malade, il garde la chambre, il est las et dégoûté du gouvernement ; il parle de nouveau de donner sa démission et de se retirer à Logroño, alcade ou non. Il est vrai que les prévenances affectueuses de l’Eco del Comercio viennent répondre, un peu trop à propos, à ces déclarations modestes du