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LA HOLLANDE.

Le Helder est une petite ville élégamment bâtie, jeune et coquette, qui, dans son mouvement ambitieux, s’allonge en droite ligne, et s’allongerait bien plus encore si la mer n’était là pour l’arrêter. Il y a là un singulier mélange de population, des bourgeois, des marchands, des fonctionnaires, des soldats, des navigateurs qui arrivent, d’autres qui partent. C’est le dernier coin de terre hollandaise que le marin salue en s’éloignant, et le premier qu’il aperçoit à son retour. C’est là qu’on vient lui dire adieu, et là qu’on vient l’attendre. Que de vœux échangés sur cette grève entre ceux qui s’en vont et ceux qui restent ! Que de larmes versées par de beaux yeux, et quelquefois si vite essuyées ! Et la mer est là qui continue à battre le pied de ses remparts, et semble se moquer, dans son éternel soupir, de toutes ces tristesses trompeuses, de tous ces regrets d’une heure.

Auprès de cette petite cité du Helder, s’élève une vaste et puissante forteresse commencée par Napoléon, et finie par Guillaume Ier. Napoléon avait de grandes vues sur cette côte de Hollande. J’en ferai, disait-il, le Gibraltar du nord ; et il était venu lui-même en reconnaître la situation, et il s’était embarqué sur un simple batelet de pêcheur pour voir de plus près les contours du Texel, et établir sa ligne de défense. Des deux forts dont il avait arrêté le plan, l’un portait le nom de Lasalle : on l’appelle aujourd’hui le Prince Héréditaire. L’autre, que l’on nommait le Roi de Rome, a vu son royal titre s’en aller, à la chute de l’empire, avec les autres titres de celui qui lui-même devait bientôt s’en aller mourir dans une ville autrichienne. Le peuple des villages voisins n’a cependant pas oublié l’auguste nom qui décorait la forteresse naissante du Helder, et plus d’un paysan de la Noord-Holland parle encore avec un singulier sentiment d’enthousiasme de cet homme au regard profond, que l’on voyait passer comme un météore, et qui de distance en distance, laissait sur ses traces un champ de mort ou une œuvre de géant.

L’idée que Napoléon avait conçue en voyant ici la mer du Nord resserrée entre le rivage de Hollande et celui du Texel, comme la mer Baltique au détroit du Sund entre la côte de Danemark et celle de Suède a été lentement mais scrupuleusement réalisée. Il y a là trois bastions étendus, casematés, construits de manière à renfermer facilement une nombreuse garnison, qui peuvent envoyer des boulets tout près du Texel, empêcher un bâtiment de franchir le détroit, et défendre ainsi l’entrée du pays. La côte est d’ailleurs protégée à une assez longue distance par des bancs de sable, des brisans et des rochers qui en interdisent l’approche aux bâtimens. Puis, la digue,