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cet isolement est, en cas d’incendie, d’empêcher la destruction de la ville.

Je me rendis chez le général Grabbe, qui me parla de ses expéditions contre Chamyl ; il m’assura que dans cinq ans le Daghestan serait pacifié, mais il n’a pas le même espoir quant à la Circassie. — Nous n’arriverons jamais, me disait-il, à soumettre ces peuples à cause de leurs communications avec la Turquie. — Le général Grabbe allait partir pour une expédition sur les bords du Terek. Des fautes graves, commises par le général Grabbe, avaient compromis les troupes, et sa présence était devenue nécessaire. Les officiers qui entourent le général Grabbe sont loin de partager son opinion. Tous redoutent la guerre religieuse prêchée par le prophète du Daghestan, tous conviennent aussi qu’ils ne font aucun progrès, car ils avancent sur un point et reculent sur un autre. Les forteresses qui s’élèvent sont cernées par les montagnards, et les communications ne peuvent avoir lieu que protégées par des forces supérieures ; la défense de ces redoutes exige de nombreuses garnisons et entraîne une grande perte d’hommes, causée par les maladies. Des aides-de-camp de l’empereur sont envoyés pour prendre part aux expéditions de l’intérieur. Habitués à la vie de Pétersbourg, ils ne savent pas conduire les troupes dans une guerre qui demande une prudence consommée et la connaissance parfaite du pays. On me cita un de ces aides-de-camp, le prince Belosesky, qui avait imprudemment aventuré deux régimens de cosaques dans des défilés où ils furent presque tous massacrés par les Tchetchens et les Lezghiens.

Le découragement que je remarquai à Tiflis règne aussi à Stavropol ; les officiers sont fatigués d’expéditions sans gloire et sans résultats. Le général Grabbe a sous son autorité tout le Daghestan, toute la Circassie et soixante mille hommes de troupes. Vingt mille soldats se trouvent sous les ordres particuliers du général Ravieski. Cet officier commande en Circassie, et c’est à lui qu’est confiée la garde des forts que les Russes ont sur la côte : toutes ces troupes font partie du corps détaché du Caucase placé sous le commandement supérieur du général Golavine.

Stavropol est un lieu d’exil pour beaucoup de conjurés compromis dans la conspiration de 1825 ; quelques-uns de ces conjurés sont revenus de Sibérie, mais descendus au rang de simples soldats, ils ne peuvent obtenir le grade d’officier qui leur serait nécessaire pour demander leur démission.