La route s’élargit avant d’arriver à Wladi-Cawkas, située à l’entrée de la gorge et au milieu d’une plaine arrosée par le Terek. Des pelouses magnifiques, couvertes de verdure, prouvent le parti que l’on pourrait tirer de la fertilité du terrain. Les incursions des Circassiens et des Tchetchens ont empêché jusqu’ici les Russes de mettre à profit les richesses du sol. J’entrai à Wladi-Cawkas en traversant un beau pont en bois sur le Terek : Wladi-Cawkas est un point militaire important, deux régimens s’y trouvent cantonnés ; la ville est d’ailleurs fort irrégulière. Quelques bazars, des casernes et des édifices du gouvernement, construits en bois, sont jetés sans ordre dans l’enceinte en terre qui sert de rempart.
Le passage des portes caucasiennes étant assez souvent interrompu par les avalanches du Kazbek ou les débordemens du Terek, et une escorte étant nécessaire pour se rendre de Wladi-Cawkas à Ekaterinograd, Wladi-Cawkas se trouve l’entrepôt forcé de toutes les marchandises qui viennent à Tiflis ou qui en arrivent ; aussi tous les soldats colonisés n’ont-ils d’autre industrie que de louer leurs chevaux aux voyageurs. Wladi-Cawkas pourrait devenir le centre d’un commerce actif avec les montagnards, si ceux-ci y trouvaient des avantages qu’il serait d’une bonne politique de leur accorder. Les montagnards craignent d’ailleurs d’être en contact avec les soldats russes ; ceux-ci affectent avec eux un ton de supériorité et de commandement qui doit exciter leur dégoût. Les Arméniens ou les Géorgiens sont les seuls peuples qui réussiraient dans des transactions commerciales avec les tribus encore indépendantes.
Les autorités russes ne comprennent qu’une chose, l’emploi de la force brutale ; elles cherchent à faire reculer les populations ennemies, non à les ramener à elles ; aussi les mesures de civilisation dues à la Russie ne consistent qu’en des pierres jetées au hasard sur toutes les routes. Une forteresse est achevée, une autre se commence ; les années se succèdent pendant qu’on élève ces constructions, et la même incertitude continue à régner à peu près partout. Les Russes ne sont maîtres que des forts qu’ils occupent militairement.
Les soldats qui ont accompli quinze et vingt ans de service ont été placés dans des colonies militaires ; dix de ces colonies ont été établies entre Wladi-Cawkas et Ekaterinograd, et assurent quelque sécurité aux voyageurs ; pourtant ils ne peuvent encore ni se passer d’une escorte ni faire route pendant la nuit. Le principe qui a déterminé la création de ces colonies est digne d’éloges : en utilisant de vieux