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REVUE. — CHRONIQUE.

ment des connaissances, ne saurait être trop soutenue et trop encouragée par les hommes zélés pour la gloire et la stabilité du pays. »

M. Villemain s’est ensuite appliqué à réfuter un préjugé assez général. « On a dit que le système actuel d’éducation classique était trop répandu, qu’il formait trop de demi-savans, et qu’il surchargeait de vocations manquées et d’ambitions déçues notre société déjà trop inquiète. On s’est plaint de la foule qui encombrait toutes les carrières, et on a supposé une disproportion excessive entre le nombre des fonctions sociales et celui des aspirans que leur éducation dispose à les remplir. Les faits démentent cette idée.

« Qu’on prenne le tableau de toutes les professions, de toutes les occupations publiques qui exigent ou qui supposent un fonds choisi de connaissances, une véritable culture intellectuelle, et on se convaincra que de nos écoles publiques, des écoles particulières, et de l’éducation domestique, enfin, il sort à peine chaque année un nombre suffisant de candidats pour assurer le recrutement méthodique et régulier de la société dans toutes les fonctions électives ou déléguées, dans toutes les professions libérales, dans toutes les hautes industries qui forment pour ainsi dire l’état-major civil du pays.

« L’instruction classique, en effet, se résume et se constate par le baccalauréat ès-lettres. Or, le nombre exact des bacheliers reçus depuis douze ans offre pour moyenne 3,248 réceptions par année, et, d’autre part, toutes les positions sociales à occuper et à desservir dans la magistrature, l’administration supérieure, le barreau et diverses professions savantes, excèdent 60,000. Ces nombres rapprochés indiquent assez que, comparativement à la durée probable de la vie, Les résultats actuels de l’instruction secondaire sont loin d’être imprudemment exagérés, et qu’ils ne sont pas même encore dans une proportion égale aux demandes régulières et successives de la société. »

Ces faits sont décisifs. Il importait de dissiper des préjugés et des craintes qui auraient pu pousser des hommes honorables à des résolutions directement contraires à l’esprit, et aux exigences de notre état social.

C’est ainsi que M. Villemain est allé franchement au-devant de toutes les questions que soulève l’examen de cette importante matière, Nous y reviendrons bientôt, et, en rendant au beau travail de M. Villemain toute la justice qui lui est due, nous ne dissimulerons pas les doutes qu’ont fait naître dans notre esprit quelques-unes des dispositions du projet.


V. de Mars.