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pays et avec les égards qui sont dus à un gouvernement cantonnal les droits froissés de la population catholique. La question se présente sous deux faces, le maintien des couvens et la destination des biens qui appartenaient à ces corporations. Sans doute il serait exorbitant de vouloir contraindre un gouvernement à garder chez lui des corporations qu’il croirait nuisibles à la chose publique. La question de savoir si elles le sont réellement est une question d’appréciation politique, appréciation que nul n’a le droit de faire que le gouvernement lui-même, que nul du moins n’a le droit de lui imposer. La question financière est autre. Ce qu’on peut dire de plus raisonnable, c’est que l’art. 12 du pacte de 1815 n’a pas entendu perpétuer ce qui est hors des prévisions humaines, je veux dire l’existence matérielle des couvens. En effet, ne pouvait-il pas arriver qu’on ne trouvât plus en Suisse de religieuses ni de moines ? Le gouvernement argovien pourrait-il être contraint et forcé d’admettre dans ces couvens une population d’étrangers, d’hommes ennemis : peut-être de la Suisse, de son gouvernement, de ses institutions ? Nul n’osera le dire. C’eût été une atteinte trop profonde à la souveraineté, c’eût été priver le gouvernement de tous les cantons où se trouvent des couvens, d’une attribution précieuse, d’un pouvoir nécessaire. L’Autriche voudrait-elle renoncer au droit de ne pas recevoir ou d’expulser les étrangers dont la présence lui déplaît ou l’inquiète ? Ce qu’on a pu garantir, ce n’est pas l’existence des corporations religieuses, mais la propriété de leurs biens au profit de la population catholique. On a pu prévoir le cas d’un gouvernement composé en majorité de protestans, et qui, en supprimant les couvens, s’emparerait des biens qu’ils possèdent : on a voulu donner aux populations l’assurance que ces pieuses fondations ne sortiront pas du patrimoine catholique. C’est là une garantie à la fois équitable et possible. Elle n’implique point avec la souveraineté cantonale. Elle indique à la diète le moyen de mettre fin à la contestation, moyen analogue à ce qui se pratique dans d’autres cantons, à Saint-Gal, par exemple.

Au surplus, la diète et les cantons apporteront d’autant plus de mesures et d’équité dans ces délibérations, que nul n’a essayé d’intervenir politiquement dans la question, que nul n’a essayé de faire violence à la Suisse. Quoi qu’on en dise, il n’y a pas eu d’intervention diplomatique, il n’a pas été passé de note au directoire. La réclamation du pape n’est pas une réclamation politique. Le chef du catholicisme s’adresse à l’autorité fédérale ; qui pourrait s’en plaindre ? Il fait ce que pourrait faire un chapitre, un évêque. L’Autriche a fait des observations relatives à la fondation première de ces couvens par la famille de Hapsbourg. À coup sûr, ces observations sont sans valeur : c’est là de l’histoire plus qu’ancienne et sans aucune portée légale aujourd’hui ; mais ces observations ne sont pas non plus un fait d’intervention politique. L’Autriche avait-elle l’intention d’aller plus loin ? de passer de la réclamation légale à l’intervention diplomatique, de joindre aux remontrances politiques la menace ? La question est oiseuse. En politique, il faut s’en tenir au fait sans trop s’arrêter aux intentions. En fait, la note, si elle a existé (nous ne l’affirmons pas),