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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 mars 1841.


La querelle entre l’Angleterre et les États-Unis paraît s’envenimer. Il est probable aujourd’hui qu’un différend territorial sans importance réelle fera éclater une lutte sanglante. L’Angleterre se sent blessée des chicanes et des violences des Américains ; l’Amérique s’irrite du langage quelque peu sec et impérieux de l’Angleterre. L’orgueil national des deux peuples s’exalte, et on ne peut attendre la mesure et la prudence nécessaires ni de la Grande-Bretagne, toujours disposée à traiter ses anciennes colonies avec les souvenirs et la hauteur d’une mère-patrie, ni des États-Unis, livrés qu’ils sont à la violence des partis et aux emportemens d’une démocratie indisciplinée. Si M. Mac-Leod est condamné, le ministre anglais demandera immédiatement ses passeports. Une rupture deviendra inévitable. S’il a été acquitté, les négociations pourront être reprises sur la question territoriale. Une transaction sera alors possible ; c’est le seul moyen raisonnable de mettre fin à des prétentions qui paraissent d’un côté et de l’autre fort exagérées. Il est sûr du moins que ni l’une ni l’autre puissance ne peut alléguer des preuves irrécusables du droit qu’elle réclame.

Nous ne sommes pas de ceux que réjouirait une lutte sanglante entre les États-Unis et l’Angleterre. Sans doute, la France n’a pas eu dernièrement à se louer du gouvernement américain ; on a souvent accusé les républiques d’ingratitude ; les États-Unis, dans leurs rapports avec le gouvernement français, n’ont pas toujours fait mentir le vieil adage. Sans doute encore, nous aurions le droit de ne pas nous affliger des pertes et des embarras de l’Angleterre. Nous ne voulons pas céder aux inspirations d’un patriotisme étroit et vindicatif. Quoi qu’il en soit des erreurs de leurs gouvernemens, les États-Unis et l’Angleterre sont, parmi les grandes puissances, les seules qui, dans