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LES SETTE COMMUNI.

du latin, ce qui indiquerait une origine composée[1]. Cette langue a été rarement écrite ; le comte de Sternberg et l’historien Hormayr, dans leurs ouvrages sur le Tyrol italien, sont peut-être les premiers qui en aient fait connaître le vocabulaire. Hormayr a publié un petit poème fort curieux qu’il avait rapporté de ce pays. Nous-même, nous avons recueilli plusieurs chansons de ces montagnards, que nous nous sommes fait traduire. Parmi ces chansons, celles dont le caractère est noble ou héroïque ont une frappante analogie avec les chants slaves ; celles dont le sujet est joyeux ou populaire rappellent plutôt les chansons frioulaises, trévisanes ou même vénitiennes.

Quoique dépourvus généralement d’éducation, ces montagnards ne manquent pas d’esprit naturel. La plupart d’entre eux, avant trente ans, ont fait un voyage, et comme tous ceux qui ont beaucoup voyagé, et par conséquent beaucoup vu, ils aiment à conter. Si leurs courses ne sont pas toujours très productives, du moins ne leur sont-elles pas aussi préjudiciables qu’on pourrait le craindre ; elles modifient peu leur manière d’être, et ils rapportent de l’étranger beaucoup moins de vices encore que d’écus. Le vol est fort rare dans ces montagnes, et le meurtre y est à peu près inconnu. Les femmes y sont faciles avant le mariage ; une fois mariées leur conduite est irréprochable, et l’adultère, chez elles, est en quelque sorte sans exemple. D’habitude on permet tout à l’époux outragé qui surprend les coupables en flagrant délit. Il y a plus, les gens de sa paroisse l’aident, s’il y a lieu, à se faire justice, et parfois d’une manière assez sauvage. L’anecdote suivante en est la preuve.

Azolo, colporteur de Campo-Rovere, était l’un des jeunes gens les plus résolus et les plus aimés de son canton. Son visage était beau, sa tournure coquette et dégagée ; c’était le dandy de la montagne. Il avait en outre un mérite assez rare dans le pays, celui de posséder toujours quelques écus de reste. Aussi toutes les filles de Campo-Rovere se sentaient-elles de l’inclination pour ce joli garçon si riche ;

  1. Marzagaglia, Maffei, Marco Pezzo, Bettinelli, et beaucoup d’autres, ont disserté longuement sur les origines de cette population ; nous doutons fort qu’on puisse tirer de tout ce fatras une conclusion raisonnable. L’historien Hormayr et l’abbé Agostino del Pozzo, originaire du bourg de Rozzo, l’une des sept communes, nous semblent plus près du vrai. Ce dernier fait bon marché des origines thuringiennes et cimbriques, et regarde ses compatriotes des Sette Communi comme un mélange de diverses populations allemandes réfugiées successivement dans ces montagnes. Hormayr pense que ces réfugiés sortaient de quelqu’une de ces vallées du Tyrol allemand qu’habitent exclusivement des colonies de charpentiers et ouvriers en bois. Ces ouvriers s’appellent encore dans le Tyrol zemberlent. De là l’origine cimbrique, qui ne reposerait alors que sur une consonnance.