Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/919

Cette page a été validée par deux contributeurs.
911
LES SETTE COMMUNI.

bleu d’outremer d’un ton vif, et son éclatante réverbération illuminait la caverne et la colorait d’azur jusque dans ses plus secrètes profondeurs. C’était une grotte bleue éclairée d’en haut au lieu d’être éclairée d’en bas, comme celle de Caprée, mais une grotte bleue taillée sur une échelle gigantesque, et d’une apparence bien autrement fantastique. À quelque mille pieds de haut, sur les parois de la crevasse béante, pendait une forêt de sapins qu’à cette distance on eût prise pour un taillis de bruyères ou de genévriers, si quelques-uns des pins énormes qui la formaient, précipités par le vent ou entraînés par des éboulemens au fond de la grotte, n’eussent aidé l’imagination à restituer aux arbres de cette forêt leurs monstrueuses proportions. Au-dessous de la forêt ; des quartiers de montagnes, crevassés dans tous les sens, restaient suspendus comme par miracle. Du milieu de ces blocs, et précipitées comme eux du haut de la montagne, roulaient des eaux bondissantes, qui, divisées d’abord en milliers de cascatelles, éclairées des reflets les plus magiques, ne formaient plus, en arrivant au fond de la caverne, qu’une vaste nappe d’azur et d’écume. Le mugissement de ces cascades souterraines était effrayant, et, d’instans en instans, devenait plus terrible encore. — Il est temps de sortir de là, car les eaux sont fortes, s’écria le plus âgé de nos guides ; et, reportant d’un geste notre attention, distraite un instant par la nouveauté du spectacle que nous avions sous les yeux, vers le tunnel d’où nous sortions, nous vîmes, avec un frissonnement de terreur, cette nappe d’écume s’y engouffrer en tourbillonnant, et rejaillir de plusieurs pieds au-dessus de son orifice complètement rempli. Nous comprîmes alors l’exclamation de notre guide ; il était temps en effet, quelques minutes de plus, et ce formidable torrent, nous rencontrant dans sa route, nous eût étouffés sous sa masse ou broyés contre les parois de la galerie souterraine. Le chemin que désormais nous allions suivre, à l’abri de l’inondation, semblait exposé à d’autres dangers. Il s’élevait, en suivant de rapides zig-zags, à travers ces rocs éboulés qui pendaient sur nos têtes, passant, à diverses reprises, d’un bord à l’autre du précipice, sur quelqu’un de ces rochers placés là comme autant de ponts naturels que le frémissement de la cascade faisait bondir sous nos pieds. Après avoir franchi de la sorte les deux tiers de ce périlleux escarpement, nos guides rallumèrent leurs torches qu’ils avaient éteintes à la sortie du couloir, et nous entrâmes dans une nouvelle grotte qu’éclairait un jour douteux, et qui s’enfonçait perpendiculairement dans les entrailles de la montagne. Nous descendions, descendions