Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/896

Cette page a été validée par deux contributeurs.
888
REVUE DES DEUX MONDES.

orientales avait Homère en horreur, tandis que l’école véritablement grecque l’élevait jusqu’aux cieux. Ce fait nous est révélé particulièrement par Diogène Laerce, écrivain superficiel, qui a eu soin de nous apprendre ce que pensaient d’Homère la plupart des philosophes dont il écrit la vie ; il l’a fait d’une manière tout anecdotique, sans y attacher d’importance, sans en voir la portée ; de sorte que si, en rapprochant ces données, on en tire une conséquence parfaitement conforme à ce que nous avons dit plus haut, nos idées sur ce sujet n’en seront que mieux établies.

L’école que j’appellerai orientale, à cause de ses tendances, se donnait pour chef Pythagore. Elle était une imitation ou une dérivation des colléges sacerdotaux de l’Égypte, de l’Inde ou des mages. Ces sectaires essayaient de rétablir la caste enseignante en Italie et en Grèce ; leur vie était une vie de cénobites savamment disciplinés ; ils avaient donc l’esprit d’autorité et d’organisation des anciens sacerdoces. Malheureusement, ils en avaient aussi l’égoïsme et l’exagération ; ils ressuscitaient le langage symbolique, hostile au progrès et à la propagation de la science, s’en réservant l’interprétation exclusive, et ne laissant aux peuples que l’image superstitieuse. Conséquemment, leur doctrine tendait au panthéisme, identique au fatalisme, et destructeur des énergies de l’humanité. Or, il y avait dans cette école une tradition qui fait voir combien Homère était hérétique à leurs yeux. Pythagore, disait-on, étant descendu aux enfers, y avait vu Hésiode et Homère, le premier attaché à une colonne d’airain, le second pendu à un arbre et enlacé de serpens, et cela parce qu’ils avaient mal parlé des dieux ; en d’autres termes, parce que, suivant l’esprit de leur race et de leur temps, ils avaient refusé un respect idolâtre à des symboles dépouillés de leur sens primitif.

L’école éléatique dérivait de celle de Pythagore : son chef, Xénophane, avait eu pour maître le fils de ce fameux personnage. Métaphysicien peu intelligible, Xénophane voulait aussi qu’il y eût une science ésotérique, un monopole mystérieux de la pensée. Eh bien ! il fut célèbre par son antipathie contre le génie lucide, positif et libre d’Homère : on a conservé quelques vers où il condamnait le poète « pour avoir mis sur le compte des dieux tout ce qui est injure et ignominie parmi les hommes, le vol, l’adultère, la supercherie. » Comme si le poète avait fait autre chose en cela que suivre des légendes accréditées par l’ignorance populaire, précisément à cause du soin qu’on avait pris d’entretenir le peuple dans cette ignorance.

Enfin l’école d’Héraclite était aussi une branche nourrie de la sève