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UN HIVER AU MIDI DE L’EUROPE.

le premier jour de septembre, et qu’il y a été solennellement reçu. Le samedi au matin, il a commencé à prêcher devant une foule immense, qui l’écoute avec tant de dévotion, que toutes les nuits on fait des processions dans lesquelles on voit des hommes, des femmes et des enfans se flageller. Et, comme depuis long-temps il n’était tombé de l’eau, le Seigneur Dieu, touché des prières des enfans et du peuple, a voulu que ce royaume, qui périssait par la sécheresse, vît tomber, dès le troisième sermon, une pluie abondante sur toute l’île, ce qui a beaucoup réjoui les habitans. — Que Notre-Seigneur Dieu vous aide longues années, très victorieux seigneur, et exhausse votre royale couronne. — Mallorca, 11 septembre 1413. «

« La foule, qui voulait entendre le saint missionnaire, croissait de telle façon que, ne pouvant l’admettre dans la vaste église du couvent de Saint-Dominique, on fut obligé de lui livrer l’immense jardin du couvent, en dressant des échafauds et abattant des murailles.

« Jusqu’au 3 octobre, Vincent Ferrier prêcha à Palma, d’où il partit pour visiter l’île. Sa première station fut à Valldemosa, dans le monastère qui devait le recevoir et le loger, et qu’il avait choisi sans doute en considération de son frère Boniface, général de l’ordre des chartreux. Le prieur de Valldemosa était venu le prendre à Palma, et voyageait avec lui.

« À Valldemosa plus encore qu’à Palma, l’église se trouva trop petite pour contenir la foule avide. Voici ce que rapportent les chroniqueurs :

« La ville de Valldemosa garde la mémoire du temps où saint Vincent Ferrier y sema la divine parole. Sur le territoire de ladite ville, se trouve une propriété qu’on appelle Son Gual[1] ; là se rendit le missionnaire, suivi d’une multitude infinie. Le terrain était vaste et uni ; le tronc creusé d’un antique et immense olivier lui servit de chaire.

« Tandis que le saint prêchait du haut de l’olivier, la pluie vint à tomber en abondance. Le démon, promoteur des vents, des éclairs et du tonnerre, semblait vouloir forcer les auditeurs à quitter la place pour se mettre à l’abri, ce que faisaient déjà quelques-uns d’entre eux, lorsque Vincent leur commanda de ne pas bouger, se mit en prière, et à l’instant un nuage s’étendit comme un dais sur lui et sur ceux qui l’écoutaient, tandis que ceux qui étaient restés travaillant dans le champ voisin, furent obligés de quitter leur ouvrage.

« Le vieux tronc existait encore il n’y a pas un siècle, car nos ancêtres l’avaient religieusement conservé. Depuis, les héritiers de la

  1. Son signifie maison, propriété rurale, villa, en majorquin.