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européen, reconstitution qui se ferait au moyen d’un traité, d’une convention, d’une déclaration, que sais-je ? de quoi que ce soit qui présenterait au monde la signature des cinq grandes puissances, et mettrait fin aux inquiétudes que l’isolement de la France fait naître dans un grand nombre d’esprits et dans plus d’un cabinet.

Nous sommes loin d’être surpris des efforts de la Prusse et de l’Autriche. La Prusse n’a pas tardé à comprendre qu’elle s’était fort légèrement engagée dans une route qui n’était pas la sienne. Quelles que fussent ses sympathies politiques et ses réminiscences, elle n’a pu que regretter une démarche qui, quoi qu’on en dise, a donné l’éveil à notre esprit public, et fait comprendre au pays qu’on avait, par un excès de confiance, trop négligé cette attitude forte et digne qui n’est point incompatible avec un amour sincère de la paix.

L’Autriche a dû faire des réflexions analogues. D’ailleurs, rien ne peut dissiper les ombrages que la Russie donne et donnera toujours à l’Autriche. Les intérêts positifs l’emportent à la longue sur les sympathies et sur les préventions. L’Autriche n’oublie pas que l’amitié de la France peut lui être nécessaire, indispensable un jour.

Ainsi, les démarches de ces deux cabinets sont à la fois fort naturelles et fort légitimes. On devait s’y attendre. Heureuses d’avoir promptement échappé aux chances fâcheuses du traité du 15 juillet, d’avoir fait une imprudence qui ne leur a pas coûté cher, l’Autriche et la Prusse doivent maintenant désirer d’effacer le souvenir du malencontreux traité.

Il est facile de se faire une idée de leurs adroits raisonnemens et de leurs habiles insinuations. — La convention du 15 juillet est un fait nécessaire. Nul n’a eu la folle pensée d’exclure la France de la question orientale ; seulement on a compris que le gouvernement français, par ses liaisons avec le Pacha, ne pouvait pas désirer de concourir à des mesures qui supposaient l’emploi de la force. On a respecté la position de la France, et sans aucune vue d’intérêt particulier, sans aucune prétention d’agrandissement territorial, l’Angleterre et l’Autriche se sont réunies au sultan pour l’aider à dompter un sujet rebelle ; elles ont prêté force au droit, au profit d’un allié dont l’existence et l’indépendance sont nécessaires à la paix du monde.

Nous concevons ces raisonnemens dans la bouche des plénipotentiaires autrichien et prussien. Il n’y a rien là qui puisse nous blesser. L’Autriche et la Prusse n’étaient pas nos alliées. Nous avions occupé Ancône, pris Anvers, mis la main dans les affaires de l’Espagne, sans nous inquiéter de savoir si cela serait agréable à l’Autriche et à la Prusse.

On l’a dit mille fois, et il serait inutile de répéter ici une vérité manifeste, la situation de l’Angleterre à notre égard n’était pas la même que celle de l’Autriche et de la Prusse. Le cabinet anglais est, vis-à-vis de notre gouvernement, dans la position fausse et embarrassée d’un homme orgueilleux qui s’est mal conduit avec son meilleur ami. Aussi l’Angleterre ne se met pas en avant, elle ne laisse pas trop percer son désir de nous voir rentrer dans le