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DE LA FORCE DU GOUVERNEMENT ACTUEL.

dans une partie de la chambre des pairs. Ce sera certainement parmi ceux qui aiment ou connaissent mieux le passé que le présent.

On pourrait leur répondre : La France de 1830, par son origine, par ses principes, par sa mission politique, ne peut de long-temps cesser d’être moralement isolée en Europe. La sagesse et l’équité lui interdisent un rôle agressif ; une attitude défensive lui est commandée. Ce n’est pas un accident de 1840 ; c’est le fond de sa situation. Pour l’empire, il n’y eut long-temps au dehors que des vaincus ; pour la restauration, il n’y avait pas d’étrangers. Le gouvernement actuel n’est ni conquérant, ni cosmopolite. Il doit admettre la possibilité d’une lutte avec l’Europe, et la supposer pour la prévenir, en accréditant dans le monde l’opinion que pour l’Europe la tentative serait vaine. C’est pour cela qu’il a besoin de fortifier sa capitale, ce que pouvait oublier Napoléon, ce que la restauration devait négliger. Il le peut entreprendre et il y réussira, parce qu’il n’a pas à craindre, quand il s’y prend bien, d’être mal compris de l’opinion publique. Il y a entre lui et la nation mutuelle intelligence et solidarité ; elle sait que, lorsqu’il fortifie Paris, c’est Paris même qu’il appelle à se défendre. Et cette défense, au jour de l’épreuve, serait nationale et non pas insurrectionnelle, parce que la population n’est plus divisée par ces défiances haineuses qui facilitèrent les violences de la terreur, parce qu’une centralisation vigoureuse ne laisse ni motif ni prétexte à cette organisation révolutionnaire qui supposait la tyrannie nécessaire à la défense du territoire. Paris ne s’abandonnerait pas lui-même en présence de l’étranger, parce que cette fois on ne pourrait lui persuader qu’on ne veut que détrôner un homme, et qu’il saurait bien que c’est la ville de juillet qu’on viendrait punir, et la classe qui gouverne qu’on viendrait déposséder de sa puissance. La garde nationale de Paris, en défendant Paris, défendrait non-seulement sa ville, mais sa cause. — Voilà ce qu’oublient ceux qui ne savent pas toute la valeur de ce mot : un gouvernement national.

La question des fortifications de Paris n’est qu’une occasion particulière où se manifeste la divergence que nous avons signalée entre ceux qui croient assez dans le gouvernement pour lui conseiller d’être actif et entreprenant, et ceux qui présument assez peu de lui pour ne lui demander que d’exister. En toute circonstance grave où il y aura un parti à prendre, la même divergence éclatera. Vous entendrez dire aux uns : Évitez les risques et abstenez-vous ; aux autres : Agissez et jouez un rôle. Et puis entre la politique de conservation et la politique d’action, il y aura une politique critique et