Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/765

Cette page a été validée par deux contributeurs.
757
DE LA FORCE DU GOUVERNEMENT ACTUEL.

de toute origine et de toute tendance, nous remarquerons qu’elles n’ont pas fondé dans les esprits une seule opinion tant soit peu générale. On ignore profondément comment elles s’y prendraient pour organiser leur gouvernement. Quelques soupirs pour une régénération vague, quelques retours mystérieux vers des institutions oubliées, ne sont pas un plan de constitution sérieux, ne sont pas même une utopie. Des destinées du genre humain, des vicissitudes sociales, on s’en est fort occupé ; d’une réforme positive et praticable, pas un mot. Le pouvoir absolu d’une famille ou d’un seul a perdu ses publicistes ; les idées radicales ne sont que des prétextes pour détruire. Hors des principes constitutionnels, on n’a rien fondé même dans la science ; on s’épuise à critiquer les monarchies selon la Charte, on répète que leur temps s’en va ; mais on ne propose rien à mettre en leur place, et l’on en dit du mal sans trouver mieux. Certes, le raisonnement est bien à l’aise ; il ne s’interdit rien, il ne s’abstient pas de l’absurde, et pourtant il est stérile en vues séduisantes, et il ne donne que des programmes à faire peur aux gens. Depuis dix ans, on a pu semer quelques doutes sur les principes constitutionnels, on l’a tenté du moins ; mais on les a plus insultés qu’ébranlés ; et diffamés dans la théorie, ils n’ont rien perdu à devenir de simples vérités de sens commun.

Mais la spéculation est impuissante. Peu importerait qu’elle n’eût produit rien de plausible, si les opinions réelles, si les passions ou les préjugés croyaient avoir trouvé quelque chose au-dessus du gouvernement actuel ; c’est ce qui n’est pas. Les partis qui n’ont rien inventé de neuf, n’osent plus nous offrir du vieux. Les républicains n’ont pas de république, les légitimistes pas de monarchie, les bonapartistes pas d’empire à nous promettre. Quel est le gouvernement qu’ils projettent ? Ils ne le savent, ou, s’ils le savent, ils ne le peuvent dire. Embarrassés eux-mêmes et dégoûtés de leur cause, la haine seule les soutient. Pas une faction, pas un prétendant qui offre sur les ruines de la monarchie quelque chose de désirable, de spécieux même et de déterminé. Aucun parti ne saurait vous apprendre comment il résoudrait le problème politique, comment il constituerait un seul pouvoir, et lequel des abus ou des défauts tant signalés du gouvernement actuel il connaît le moyen de réparer. Sous la révolution, l’absolutisme avait ses adeptes, et l’on indiquait le retour à l’ancien régime comme un retour au port. Sous l’empire, on pouvait concevoir et désirer une monarchie tempérée et pacifique. Sous la restauration, on se représentait fort aisément la possibilité d’un gouvernement plus