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REVUE LITTÉRAIRE
DE L’ALLEMAGNE.

La presse allemande vient de faire une rude campagne. Depuis le mois de mai de l’année dernière jusqu’à la nuit de la Saint-Silvestre, nous ne croyons pas qu’elle ait cessé un instant d’être en colère, et quand cette presse allemande est en colère, elle emploie un petit dictionnaire d’invectives auprès duquel celui de nos journaux, dans leur plus grande violence, pourrait fort bien passer pour un manuel d’urbanité. Si, jusqu’à présent, nous n’avions pas été parfaitement convaincu que la vraie vocation de l’Allemagne est dans ses études spéculatives, dans ses rêves poétiques, nous le serions aujourd’hui. Elle a deux bons génies dont elle devrait être toujours heureuse et fière, le génie de l’étude qui conduit par la main ses savans à travers les routes obscures du temps passé, et la muse qui lui enseigne ses ballades mélodieuses, ses légendes naïves et ses douces chansons. Si trompée par les vagues rumeurs qui lui viennent de loin, elle essaie d’y mêler sa voix ; si, quittant le foyer où ses honnêtes pénates la charment encore par de pieuses coutumes, elle se jette dans l’arène turbulente des autres peuples, la noble Allemagne s’égare. Elle ne sait pas, elle qui sait tant de choses, se ployer au ton de ces discussions, si amères au fond, si nuancées et si modérées dans la forme. Au lieu de prendre ces petites flèches flottantes et acérées du picador qui aiguillonnent l’attaque et prolongent le combat, elle prend une massue et tâche d’un seul coup d’assommer le taureau. Son honnêteté de caractère, son patriotisme