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RÉVOLUTIONNAIRES ANGLAIS.

Ireton et Cromwell. Il mourut à temps, et avant la fin du second acte. Danton ne fit son entrée que très tard, quand l’initiation révolutionnaire avait été accomplie par Mirabeau. Il périt au fort de la crise et de la mêlée, au sein de la péripétie, en plein troisième acte, sur l’échafaud, avec infiniment plus d’effet et de véhémence théâtrale.

Habiles à diriger et faire mouvoir les masses humaines, à deviner et à supputer, à déterminer et à dominer les incalculables influences dont se compose toute réunion d’hommes, ils sacrifièrent tout à ce plaisir. Ces activités tumultueuses et sourdes, ces forces contradictoires et sympathiques, où iront-elles ? que deviendront-elles ? comment se distribueront-elles ? Le problème change et se renouvelle à chaque instant. Il y va du salut d’un empire, de la tête d’un roi, de la vie, de la mort, de la honte. C’est un grand jeu ; il n’en est pas de plus irritant, de plus enivrant, de plus hardi, de plus dangereux il n’en est pas qui conseille plus aisément le crime. Les hommes qui ont joué à ce tapis vert et passé par cette épreuve se reconnaissent dans le monde. Leur front est brûlé et sillonné par la fournaise, leur cerveau n’a plus qu’une pensée, et leur mémoire n’a plus qu’un souvenir. On les a souvent nommés les criminels des révolutions : ils en sont les victimes encore plus que les instrumens.

Je ne les justifierai ni ne les accuserai. Il ne nous appartient pas de juger ici, quant à la morale universelle, ces foudres providentielles et redoutables, qui se montrent aux époques de chaos. Dieu les envoie, comme il envoie les orages. Si les hommes étaient purs et les constitutions politiques immortelles, on ne verrait point apparaître ces singuliers prodiges ; mais les sociétés renferment toujours le mal et le vice, et la vie des peuples a ses crises. Il serait niais et oiseux d’apporter une excuse de sophiste ou un anathème banal pour ou contre les moteurs ou les acteurs principaux de ces grands évènemens qu’on nomme révolutions. Peut-être est-il permis de les préférer, ainsi que leurs époques, à ces hommes et à ces époques qui ne sont que la parodie du courage, la contre-épreuve de la force, la fausse monnaie de la grandeur.

Quant à Pym et à Danton, le mépris de la chimère, la haine de l’apparence, le dédain de la phrase qui séduit le populaire et emporte les sots, distinguaient ces deux hommes. Si vous voulez peser la valeur d’un esprit, voyez s’il tend à la vérité, s’il y croit et s’il la cherche ; examinez s’il va droit au fait, s’il veut un résultat, s’il soulève les voiles ; demandez-vous s’il se contente de formules, s’il se paie de mots, s’il