Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/694

Cette page a été validée par deux contributeurs.
686
REVUE DES DEUX MONDES.

Ce fut là ce que Pym saisit admirablement. Il vit toute la situation. Dans son âme et sa conscience, il s’embarrassait peu de mysticisme ou de théocratie[1] ; mais il sentit que, hors des idées religieuses, il n’y avait rien à faire pour lui. Se constituant le dénonciateur des catholiques, le défenseur des puritains, attaquant et accusant tous ceux que le peuple abhorrait ou redoutait, il se trouva, dès 1627, porté à la tête du parti dont il n’était d’abord qu’un des premiers soldats : tactique devenue vulgaire, mais qui n’avait pas encore pris place dans les lieux communs de la vie politique. Montagu, partisan du pouvoir arbitraire ecclésiastique, est dénoncé par Pym. Buckingham, représentant du favoritisme usurpateur, est attaqué par Pym et Elliott. Dans cette dernière circonstance, il a le bon esprit de marcher le second et de ne pas briguer le premier rang. Voici pourquoi. La sévérité d’Elliott, la grave et imperturbable rigueur de ses mœurs et de sa conduite, frappaient avec bien plus de force un homme auquel le peuple reprochait surtout l’insolence du luxe et la dépravation des habitudes. Pym qui ne pouvait pas prétendre à un ascétisme rigoureux, se contenta donc de faire ressortir avec une simplicité concluante, ou plutôt accablante, tous les griefs de péculat et de rapine dont le brillant homme de cour s’était rendu coupable ; désignant à la jalousie populaire l’immense fortune de Buckingham et à la vengeance des tribunaux ses vices ; d’autant plus éloquent, qu’il se maintenait avec une réserve apparente dans la plus simple exposition des faits. « Le duc, vous le voyez, possède une fortune colossale, que diverses circonstances rendent plus surprenante. C’est la première fois qu’une somme semblable est sortie de la bourse publique pour entrer dans une bourse privée ; jamais le roi n’eut autant besoin de fonds pour ses affaires étrangères et intérieures ; jamais ses sujets n’ont fourni d’aussi gros subsides, et qui cependant ne peuvent jamais suffire. D’après sa propre confession, le duc ne doit-il pas plus de 100,000 livres sterling ? Si la chose est vraie, pouvons-nous espérer satisfaire son immense prodigalité ? Si elle est fausse, comment assouvirons-nous son avidité immense ? Je ne m’étonne pas que les communes aient hâte de se délivrer de ce fardeau, et je me contenterai d’ajouter qu’un homme capable de s’attacher ainsi aux domaines du roi pour les épuiser, doit avoir plus d’un vice. Que votre sagesse y réfléchisse ; je conclus en manifestant l’espoir que ce grand duc, dont les fautes ont dépassé toutes les fautes de ses

  1. Clarendon, Hist., tom. II.