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ceau charmant de Van-Dyck ; ceux-là dont le front rayonne encore, long-temps après le moyen-âge, du dernier reflet de l’héroïsme chevaleresque. Tous condamnés ! Rien de plus intéressant, rien de plus triste, rien de plus tragique que cette réunion. La plupart sont des ames honnêtes ; mais les idées qu’ils personnifient ne sont plus que des fantômes.

La suprématie ecclésiastique a pour symbole Land, le gouvernement monarchique Strafford, la prérogative royale Charles Ier, le dévouement Falkland. Sur toutes ces figures, vous pouvez lire comme un pâle pressentiment de la cause perdue. Ils sont embarqués sur le vaisseau fatal et tendent vers l’abîme, non sans le savoir ; cependant leur tête reste haute, leur front serein, leur voix ferme, et le gouvernail ne leur échappe pas. Ils ne peuvent point réussir, puisqu’ils sont les hommes du passé, les défenseurs par devoir d’une forme de société qui se déchire, et de toutes les choses qui s’en vont. Aussi voyez sous quels traits délicatement douloureux les artistes contemporains ont reproduit leurs physionomies : tristesse infinie, non pas sombre, mais résignée ; douleur calme et pressentiment du destin. Le trône chancelant de Louis XVI ne put réunir sur ses marches et autour de son dernier éclat ni de tels caractères, ni de tels esprits. C’est que le temps, en 1789, avait fait son œuvre, et que l’établissement monarchique, attaqué en 1640 par les communes d’Angleterre, possédait encore, dans le XVIIe siècle, une force vitale très réelle et très active qu’il était bien loin de posséder en 1789.

Quittez le palais et jetez un coup d’œil sur les communes. Voici Elliott, Hampden, Olivier Cromwell, Henry Marten, John Pym, les chefs du mouvement populaire. Il y a de la grossièreté et de la force sur les traits irréguliers et la tête carrée de Cromwell ; une sévère douceur se fait lire dans la physionomie singulière d’Elliott ; un mélange charmant de grace et de courage marque le front de Hampden, qui mourut si jeune. Ils ne se ressemblent que par un trait commun : l’espérance et l’audace ; on voit qu’ils ont foi dans l’avenir, ce sont en effet les hommes des temps nouveaux.

L’histoire les a toujours groupés, se contentant de les faire marcher en bataillon et renverser le trône. Elle a vu plutôt dans leur union la masse révolutionnaire et l’armée d’attaque, qu’elle n’a déterminé l’influence de chacun d’eux sur ses compagnons d’armes et la conduite individuelle des chefs. Ainsi, se confondant au sein du combat terrible dans lequel ils étaient engagés, ils ont perdu leur