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liens, qu’il n’enfante pas chaque année quelque charmant poème comme les Anglais ; mais cette persévérance à vaincre tous les obstacles, cette force de volonté qui maîtrise la nature, ne pourraient-elles pas être considérées comme une vraie et grande poésie ?

Je conseillerais à ceux qui viennent en Hollande pour la première fois de faire un détour et d’y arriver par le Rhin, non pas que le Rhin ait ici un aspect aussi riant qu’aux rives de Bingen, ou aussi pittoresque qu’au pied du Drachenfels. Hélas ! tant s’en faut. Ce fleuve, si souvent chanté par les poètes et dessiné par les peintres, ce noble et majestueux enfant des montagnes de la Suisse, qui baigne tant de ruines romantiques, et semble porter sur ses flots l’esprit des vieilles légendes, tombe du haut de ses rocs escarpés, de ses coteaux chargés de vignes, dans une plaine monotone, puis s’écoule en silence et s’en va mourir tristement dans les sables de Katwik. Mais, en arrivant par là, on entre immédiatement dans le domaine de l’histoire hollandaise. C’est d’abord Nimègue, que nul Français ne verra sans se rappeler les conquêtes de Louis XIV et le glorieux traité de 1679 ; puis le château de Loevestein, d’où Grotius s’échappa, caché dans une caisse de livres ; puis Gorcum, la première ville prise sur les Espagnols par les gueux de mer ; Dordrecht, célèbre par son synode, et tout à coup l’on arrive devant la magnifique rade de Rotterdam.

La plupart des villes de Hollande semblent bâties sur un même modèle, dont Amsterdam et Rotterdam sont les types les plus éclatans ; mais chacune d’elles a quelque particularité remarquable ou quelque souvenir historique curieux à étudier. Delft renferme les tombeaux des vieux stathouders et ceux de plusieurs autres hommes célèbres. La Haye est depuis plus de deux cents ans le théâtre principal de la politique hollandaise. C’était jadis la résidence des stathouders, c’est aujourd’hui celle de la famille royale, des hauts fonctionnaires, du corps diplomatique, et le séjour de prédilection de la plupart des étrangers qui visitent la Hollande. C’est de toutes les villes du pays celle qui a le plus subi l’influence française. Il y a là un théâtre français, des salons français, un journal français, et quand on entre dans les magasins, ou quand on passe sur les places publiques, on n’entend parler que français. Ses rues sont larges et élégantes, ses environs charmans. C’est le Bois (de Boosch), l’une des plus magnifiques promenades qui existent. C’est une longue ligne de maisons de campagne toutes plus riantes et plus coquettes les unes que les autres. Ce sont de larges enceintes de verdure entourées d’arbres majes-