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DE L’INFLUENCE FRANÇAISE EN ITALIE.

d’établir partout des républiques démocratiques ; mais ces républiques, qui avaient toutes pour loi fondamentale qu’aucun décret des autorités italiennes ne serait exécutoire qu’avec le visa d’un général français, donnèrent matière à de sérieuses réflexions aux plus chauds partisans de la liberté. Malgré les cris d’indépendance que l’on fit entendre, l’Italie fut traitée durement et en pays conquis ; les chefs-d’œuvre de l’art, les monumens les plus précieux de la science et de la littérature, furent enlevés aux musées et aux bibliothèques, et durent passer les Alpes. C’était là, si on le veut, le droit du vainqueur ; mais, en traitant avec cette rigueur les Italiens, on les blessait dans leurs sentiments les plus vifs. Le gouvernement français abandonnait ainsi l’espoir de se créer des auxiliaires, il renonçait à l’influence qu’il aurait dû vouloir exercer sur l’Italie, et s’imposait l’obligation de vaincre toujours. Le mécontentement du peuple italien, fomenté par le pape et par l’Autriche, fut contenu et réprimé tant que Bonaparte resta en Italie ; mais, lorsqu’on le sut sur le rivage des Pharaons, et que l’on vit la fortune se déclarer contre les Français, les insurrections éclatèrent de toutes parts, et les nouvelles républiques furent bientôt renversées.

Ce fut un grand malheur, à notre avis, pour l’Italie que cette scission sur une question aussi capitale entre les gens éclairés qui désiraient la liberté, et le peuple qui voulait repousser les Français, et qui fit sur plusieurs points, à Naples surtout, une résistance désespérée. Sans doute, les partisans des Français, les jacobins, comme on les appelait en Italie, avaient d’excellentes intentions. Ils comptaient réformer une foule d’abus qui ruinaient l’Italie, ils voulaient la liberté, et ils surent l’honorer par leur courage sans la souiller par aucun excès. Malheureusement ils ne comprirent pas qu’avant la liberté il y avait l’indépendance, sans laquelle rien ne peut s’établir en Italie, et que, pour fonder l’indépendance, il fallait attirer le peuple, partager ses sentimens, faire cause commune avec lui et adopter ses croyances. Lorsque Napoléon entra en Espagne, certainement les Français amenaient avec eux une foule d’améliorations utiles et de réformes indispensables, et les afrancesados semblaient être les hommes du progrès. Cependant les véritables libéraux en Espagne furent ceux qui se joignirent au peuple pour repousser l’invasion. En effet, quoiqu’ils parussent combattre pour les abus, dès que l’élan fut donné, cette même nation, si dévouée aux moines, suivit partout où ils voulurent la guider les chefs en qui elle avait appris à avoir confiance sur le champ de bataille, et décréta bientôt l’abolition de l’inquisition. La