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et de jaune, et leur malpropreté est extrême. Jaloux de leurs femmes, ils les cachent aux yeux de l’étranger, et cette circonstance les distingue encore des autres peuplades océaniennes, si accommodantes sur ce chapitre.

Les deux corvettes venaient de parcourir les archipels les plus mal famés sans avoir eu à repousser aucune voie de fait, aucune violence : Hogoleu leur réservait cette épreuve. Depuis un ou deux jours, on envoyait les canots sur divers points pour faire des relèvemens. L’un d’eux, engagé dans les bancs de coraux, se vit assailli à l’improviste par une vingtaine de pirogues, qui lancèrent d’abord une grêle d’oranges et finirent par envoyer des zagaïes. Surpris par cette attaque, le canot ne se trouvait pas dans une situation assez libre pour se défendre avec tous ses avantages ; il quitta l’écueil et navigua vers le large. À ce mouvement, qui ressemblait à une fuite, les sauvages poussèrent des cris de joie ; ils poursuivirent l’embarcation et célébrèrent leur triomphe par des gestes insultans. Le canot continua sa manœuvre ; mais, une fois au large, il vira de bord et tira un coup d’espingole à mitraille, tandis que les matelots commençaient la fusillade. Plusieurs insulaires furent atteints, les autres se sauvèrent à la nage ; quatre pirogues, qui voulaient persister dans leur agression, furent presque anéanties. Le lendemain, les mêmes hostilités se reproduisirent sur le rivage. Nos marins ayant été assaillis à coups de pierre, il fallut encore avoir recours aux mousquets.

L’année 1839 trouva l’Astrolabe et la Zélée à Guam, sur les Mariannes, où elles venaient d’arriver. Pour l’expédition, ce fut là un millésime fatal. Le fléau des tropiques, la dyssenterie, s’était emparée des deux corvettes, où elle laissa des traces cruelles de son passage. De longues relâches dans des ports salubres, les soins les plus minutieux, tant pour le choix des vivres que pour le maintien de la propreté, ne purent arrêter ses ravages. Le mal frappa indistinctement l’équipage et l’état-major ; le commandant de l’expédition subit lui-même la loi commune. Tant que les navires logèrent dans leurs flancs cet hôte fâcheux, il fut difficile d’apporter la même ardeur aux entreprises scientifiques et de s’exposer à des reconnaissances dangereuses qui demandent le concours de toutes les intelligences et de tous les bras. Un nouvel ordre de travaux commença alors, travaux non moins utiles, bien qu’exécutés dans des conditions moins périlleuses. Outre le groupe de Pelew, qui semble former la limite extrême de la zône océanienne, l’expédition étudia le vaste ensemble des archipels asiatiques, les Moluques, les