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de l’autre sur l’Angleterre, n’acceptera jamais, sur les lieux où elle règne, une lutte franche et sincère avec la propagande catholique. Sûre de ses avantages, elle préférera anéantir toute concurrence au moyen des armes temporelles. C’est beaucoup si elle souffre le voisinage de quelques établissemens précaires, tels que ceux des Gambier et de l’archipel d’Hamoa. Comme foyer et comme point de départ, ces églises au berceau ont donc une valeur réelle ; elles peuvent devenir une pépinière d’apôtres et un lieu de refuge où ils viendront s’abriter contre la persécution.

Après quinze jours de station sur cet archipel, l’Astrolabe et la Zélée remirent à la voile, et le 24 elles étaient en vue des îles Marquises (Nouka-Hiva). En aucun lieu de l’Océanie, le paysage n’est plus beau, plus riche, plus varié. Les vallons sont couverts d’une magnifique robe de verdure, que traversent de loin en loin, comme autant de sillons d’argent, de larges et éblouissantes cascades. Le cocotier, le bananier, l’arbre à pain, dominent le long des plages ; les pandanus et les hibiscus règnent à mi-côte ; les sommets sont nus et stériles : Parmi les groupes qui se rattachent à la Polynésie, celui-ci est l’un des plus arriérés. Les naturels y vont presque nus, et quand les corvettes mouillèrent dans la baie d’Anna-Maria, plusieurs femmes, venues du rivage à la nage, montèrent sur le pont sans aucune espèce de vêtement. Le tatouage est l’ornement obligé de ces peuples : l’importance d’un individu se mesure au nombre et à la nature des lignes qui le sillonnent. Chez les femmes, cet ornement ne se compose que de dessins légers et superficiels ; les jeunes filles n’y sont point assujéties.

Le séjour des deux corvettes devant les îles Marquises ne dura qu’une semaine, et pendant ce temps les rapports se maintinrent avec les habitans sur le pied le plus amical. Les naturels de la baie d’Anna Maria appartiennent à la tribu des Toupias, constamment en guerre avec les Hoppas et les Toapais, qui occupent le reste de ces îles. Ils obéissent à une reine que dirige un conseil de chefs. Cette princesse honora de sa visite l’Astrolabe et la Zélée, et parut flattée de quelques cadeaux qui lui furent offerts. L’exercice à feu l’étonna sans l’intimider, et elle fit même entendre qu’elle serait bien aise d’avoir de semblables instrumens de guerre pour s’en servir contre ses ennemis. Le lendemain de cette entrevue, les corvettes quittaient le mouillage. Après avoir reconnu une suite de petites îles, elles parurent devant Taïti le 9 septembre et relâchèrent dans la rade de Matavaï. Dans le même moment, la frégate la Vénus se trou-