sonne, le cri d’alarme retentit dans les villes et les villages ; tout le monde accourt sur le point menacé avec des pelles et des pioches, avec des fascines et des lambeaux de toile, et l’on suit avec anxiété le mouvement de la mer, qui gronde, écume et frappe à coups redoublés contre la digue. Si ce rempart affaibli court risque de s’entr’ouvrir, on le calfate comme un navire, avec de la paille, du linge et des mottes de terre. Si ce moyen est insuffisant, on trace derrière l’endroit périlleux un demi-cercle, comme dans une forteresse où l’ennemi vient d’ouvrir une brèche, on construit une nouvelle digue, et lorsque l’eau a rompu la première, elle s’arrête devant celle-ci. Mais, malgré l’activité et les travaux de défense des Hollandais, que de fois leur implacable ennemi, l’eau de la mer et des fleuves, a franchi les barrières qui lui étaient imposées, et englouti dans sa fureur des milliers d’habitations ! Les annales de ce pays sont pleines de désastres pareils à ceux qui viennent de désoler nos malheureuses provinces du midi. Dès le VIe siècle, les traditions signalent déjà une inondation en Frise ; il y en eut une autre en 792, 806, 839, 1164, 1170, 1210, 1221, 1230, 1237. À la suite de cette dernière, on vit surgir au nord de la Hollande, l’île de Vlieland. Trois inondations successives en 1248, 1249, 1250, produisirent une maladie épidémique qui fit périr beaucoup de monde. Au XIIIe siècle, le Zuyderzée (mer du Sud) n’existait pas encore ou n’était tout au plus qu’un lac très étroit. En 1287, une inondation, qui engloutit quatre-vingt mille hommes, lui donna l’étendue et la profondeur qu’il a aujourd’hui. Près de l’ancienne ville de Dordrecht, on aperçoit une espèce de lac parsemé d’un grand nombre de petites îles ; c’était autrefois une riche et florissante prairie. En 1421, dans la nuit du 18 novembre les flots de la mer s’élancèrent de ce côté, engloutirent soixante et douze villages, et noyèrent cent mille hommes. Les inondations continuèrent au XVe et XVIe siècle ; il y en eut une en 1570, qui gagna les pointes du sol les plus élevées, et à la suite de laquelle on compta plus de cent mille victimes. À partir de cette époque, l’habileté que les Hollandais avaient acquise dans la construction des digues, les ordonnances qui en réglèrent l’entretien, rendirent les inondations moins fréquentes. Cependant il y en eut encore plusieurs au XVIIIe siècle et dans l’hiver de 1825 la Hollande fut dans le plus grand danger ; Amsterdam même voyait sa haute et forte digue envahie peu à peu par les flots. Le 1er février fut un jour d’angoisses dont les habitans de cette ville ne parlent encore qu’avec un sentiment d’effroi. L’eau montait, montait de toutes parts, et tout le monde était là,
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LA HOLLANDE.