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Au surplus, nous ne sommes pas de ceux qui ouvriraient dès demain, s’ils le pouvaient, les portes du royaume à tous les produits étrangers. Nous n’oublions pas que la liberté commerciale est un principe qui admet d’importantes restrictions, et nous n’ignorons pas que, même sur les points où la restriction paraît désormais inutile, il n’est pas de la sagesse du gouvernement de procéder d’une manière soudaine. Nous savons tout ce que ces transitions offrent de difficultés, non-seulement au point de vue économique, mais au point de vue politique, et quels sont les ménagemens que commande le déplacement du capital et du travail.

Aussi, tout en appréciant ce qu’ils valent les argumens dont ne craint pas de se servir plus d’un producteur, nous ne regrettons pas jusqu’ici les propositions du gouvernement et les résolutions de la chambre. Le gouvernement, c’est une justice que nous rendons volontiers à MM. les ministres du commerce et de l’intérieur, a résisté avec talent et fermeté à des exigences par trop exagérées, et la chambre, en repoussant ces même exigences, a bien mérité du pays. Après tout, la loi sera utile, surtout si la chambre osait une fois modifier notre absurde législation sur les bestiaux, législation qui est en petit pour nous ce qu’est pour l’Angleterre la législation des céréales.

Sur cette importante question, le gouvernement paraît vouloir agir par voie de négociations. Il y a long-temps que ce moyen nous semble le plus propre à concilier tous les intérêts. Il est ainsi des parties de la France qui ne seraient pas privées de leur marché habituel, et d’autres parties où pourraient enfin arriver les bestiaux qui leur sont indispensables. Il y a long-temps aussi que le gouvernement a laissé entendre qu’il songeait à ces négociations. Hélas ! les années se passent, les cabinets se succèdent ; il n’y a qu’une chose qui continue, ce sont les souffrances des consommateurs.

Il est d’autres négociations que nous attendons avec une juste impatience. Des faits viennent nous prouver que les contrefaçons à l’étranger de nos productions littéraires se multiplient de plus en plus avec une rare impudence. Elles parviennent à s’introduire en France même, à ce qu’il paraît, à l’aide de la poste aux lettres. Il nous est impossible de croire que des gouvernemens qui se respectent puissent refuser de traiter avec nous pour réprimer des spoliations qui ont tous les caractères de la rapine, moins le courage. Espérons que notre traité avec la Hollande ne tardera pas à être mis à exécution, et que l’exemple honorable donné par le gouvernement néerlandais sera suivi par tous les gouvernemens qui ont à cœur le maintien de la morale publique.

La loi des fonds secrets ne paraît pas devoir soulever dans la chambre de vifs débats. L’éloquence parlementaire s’est épuisée dans la discussion des fortifications de Paris. Il y a eu sur cette affaire un pêle-mêle d’hommes de tous les partis qui rend difficile une bataille rangée sur les fonds secrets. Les partis n’ont pas eu le temps de se réorganiser et de rappeler sous le drapeau tous les soldats éparpillés. Sauf le grand débat qui se prépare à la chambre