Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/591

Cette page a été validée par deux contributeurs.
583
REVUE LITTÉRAIRE.

ment inférieur. » C’est en examinant son procédé, dont l’emploi exigeait d’ailleurs la patience la plus ingénieuse, que nous espérons démontrer à M. Dureau de La Malle qu’il en a forcé les résultats.

Aux termes d’un recensement officiel, fait l’an de Rome 529 (un peu avant la seconde guerre punique), l’Italie romaine, comprise alors entre le détroit de Sicile et la ligne tirée au nord des bouches du Rubicon au port de Luna, comptait sept cent cinquante mille citoyens en état de porter les armes. Le nombre des adultes mâles étant connu, il devient facile de savoir celui des femmes, des enfans, des adolescens et des vieillards. Il suffit de consulter les tables dressées par les savans modernes pour indiquer le rapport des âges ; car il paraît démontré que, dans tout état de société, les populations se développent d’après des lois invariables. M. Dureau de La Malle a établi ainsi la relation :


Hommes libres de dix-sept à soixante ans 
750,000
Femmes libres du même âge 
750,000
Hommes et femmes libres de la naissance à dix-sept ans, et de soixante ans jusqu’à la mort 
1,165,805
Affranchis 
50,000
Total de la population libre (225 ans avant notre ère) 
2,715,805


L’auteur s’est ensuite engagé dans les recherches les plus épineuses pour établir la production de l’Italie romaine en céréales, et la consommation présumée de chaque individu. En appréciant les circonstances accessoires avec une sagacité remarquable, il a trouvé que le territoire romain devait fournir annuellement 5,080,543,542 livres de blé poids de marc. Des textes que nous discuterons bientôt l’ont conduit à penser que la consommation individuelle devait être en moyenne de 1020 livres par année, c’est-à-dire un peu moins de 3 livres par jour. Or, la consommation de la classe libre étant prélevée, il restait en excédant assez de blé pour nourrir encore 2,262,677 individus. Ce dernier chiffre, suivant l’auteur, représente exactement le nombre des métèques ou étrangers, et des esclaves de tout âge et de tout sexe. D’après ce calcul, le total de la population romaine à cette époque eût présenté un peu moins de cinq millions d’ames (4,978,482), et la classe libre eût été à la classe servile dans la proportion de 27 à 22, c’est-à-dire qu’on aurait compté 2 esclaves ou métèques pour 27 hommes libres[1].

Le procédé de M. Dureau de La Malle est, nous le répétons, fort ingénieux ; mais il nous semble qu’il a été faussé par l’application, et que les résultats n’ont pas l’exactitude désirable. N’est-ce pas une grande exagération que d’attribuer à tous les individus indistinctement une consommation de trois livres de pain par jour ? L’auteur a oublié que les vieillards, qui mangent

  1. Déjà précédemment l’auteur a essayé de démontrer, d’après Denys d’Halicarnasse, que, l’an de Rome 278, trente-quatre ans après l’expulsion des rois, on comptait dans la population romaine un esclave seulement pour vingt-cinq hommes libres.