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mais rien ne l’excuse de n’avoir pas dessiné un cadre qui admît plus facilement les faits connus, et reflétât une lumière égale sur l’ensemble du sujet.

Si on oublie les promesses du titre pour ne chercher qu’une série de mémoires sur certaines habitudes économiques et administratives des Romains, on placera sans peine le traité de M. Dureau de Lamalle à la suite de celui que M. Bœckh a intitulé : Économie politique des Athéniens, ouvrage dont le plan est également irrégulier et insuffisant, mais qui n’en a pas moins assuré à son auteur une place des plus honorables dans le monde érudit.

Des dissertations fort étendues sur la relation des poids, mesures et monnaies avec le système métrique en vigueur aujourd’hui, étaient les prolégomènes nécessaires d’une histoire économique. M. Dureau de La Malle défend contre l’opinion imposante de M. Letronne l’ancienne évaluation de la livre romaine, fixée par Lanauze et Barthelemy aux deux tiers de notre ancienne livre française. Des recherches sur le prix des objets de consommation et les salaires conduisent à des résultats inattendus. On n’apprend pas sans étonnement que, pour l’époque comprise entre Claude et Titus, le prix du pain était à peu près à Rome ce qu’il est aujourd’hui à Paris et à Londres ; que le prix de la journée du travailleur libre, depuis la guerre du Péloponèse jusqu’aux premiers siècles de l’empire, n’était en moyenne que d’un tiers au-dessous du salaire actuel de nos journaliers, et que, si on calcule l’intérêt du fonds d’acquisition et les frais d’entretien courant, l’esclave était plus dispendieux pour l’entrepreneur que le travailleur libre de notre époque. Il n’est pas moins piquant de savoir que l’armée française dont le personnel est parfaitement pourvu, et dont le matériel est des plus riches, coûte pourtant moins cher à nos contribuables qu’il n’eût coûté en Grèce et en Asie, depuis le siècle de Périclès jusqu’à celui d’Alexandre, et dans l’empire romain, depuis César jusqu’à Justinien.

Le second livre a pour but d’établir le chiffre de la population romaine à diverses époques, et le rapport numérique de la classe libre à la classe servile. Cette série de mémoires dont l’Institut a, en quelque sorte, sanctionné les résultats en les consignant dans son recueil, détruit des erreurs accréditées depuis des siècles. Presque tous les savans qui ont écrit sur l’esclavage antique, et on en pourrait citer une vingtaine, ont avancé que le nombre des esclaves dans les régions gréco-romaines était beaucoup plus élevé que celui des hommes libres. Déjà un écrivain qui a le don trop rare de vulgariser les découvertes de l’érudition, M. Letronne, a prouvé, dans un mémoire dont l’autorité est parfaitement établie, que les assertions du sophiste Athénée, relativement au nombre des esclaves dans l’Attique, étaient évidemment erronées. M. Dureau de La Malle a voulu faire pour Rome ce que son savant confrère avait accompli pour Athènes ; mais il nous semble qu’il s’est jeté dans une exagération opposée en concluant ainsi : « L’Italie romaine eut, à toutes les époques de son histoire, une population libre plus forte, et moins d’esclaves qu’on ne l’a cru généralement ; et, loin de dépasser le nombre des individus libres, le chiffre des esclaves ne l’atteignit même pas, et resta constam-