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SOUVENIR.

J’espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir,
En osant te revoir, place à jamais sacrée,
Ô la plus chère tombe et la plus ignorée
Où dorme un souvenir !

Que redoutiez-vous donc de cette solitude,
Et pourquoi, mes amis, me preniez-vous la main,
Alors qu’une si douce et si vieille habitude
Me montrait ce chemin ?

Les voilà, ces coteaux, ces bruyères fleuries,
Et ces pas argentins sur le sable muet,
Ces sentiers amoureux remplis de causeries,
Où son bras m’enlaçait.

Les voilà, ces sapins à la sombre verdure,
Cette gorge profonde aux nonchalans détours,
Ces sauvages amis dont l’antique murmure
A bercé mes beaux jours.

Les voilà, ces buissons où toute ma jeunesse,
Comme un essaim d’oiseaux, chante au bruit de mes pas !
Lieux charmans, beau désert qu’aimait tant ma maîtresse,
Ne m’attendiez-vous pas ?