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nellement hors de lui, par la seule efficacité de sa volonté. Le monde, nécessairement divers, parce qu’il n’est pas égal à Dieu, c’est-à-dire parce qu’il n’est pas infini, parce qu’il est fini ou limité, et que la diversité et la multiplicité sont la condition, le caractère, l’essence même du fini, le monde est un par l’unité du type de chaque espèce, par la simplicité, l’analogie ou plutôt l’unité de ses lois, et cette unité lui vient de l’unité de la pensée et de la volonté divine. Dieu est puissance, intelligence, amour ; et le monde image de Dieu, réalisation extérieure de la pensée interne de Dieu, est aussi puissance, intelligence et amour. Le monde, à mesure qu’il s’éloigne de Dieu, et qu’il se rapproche de la matière, devient une manifestation moins claire des trois attributs essentiels de l’être ; mais ce n’en sont pas moins ces trois attributs sous une autre forme, les mêmes quant à leur essence positive, différens seulement par la prépondérance en eux de la négation et de la limite. Dieu n’a pas fait une seule espèce, différente en degrés, mais des espèces diverses, soumises à une même loi, et imitées d’un même modèle. Dans sa vie qui ne doit point finir, le monde se développe en s’améliorant, parce qu’il reproduit, dans un ordre d’ascension continuelle, toute la série des possibles que Dieu conçoit. Uni par sa substance à la substance même du Verbe divin, l’homme voit en Dieu les idées éternelles, universelles, nécessaires, sans lesquelles l’initiative de son intelligence n’existerait pas. Il se conduit dans ce monde par cette lumière, et se ramène par elle à son principe et à sa fin, qui est Dieu. Proscription de la philosophie dualiste, unité parfaite de Dieu, unité incomplète, mais nécessairement incomplète du monde, uniformité des lois qui président à la génération et à la détermination de tous les degrés de l’être ; en Dieu, dans le monde, partout de la puissance, de l’intelligence et de l’amour ; n’est-ce pas là, dans ses traits généraux, une doctrine capable de séduire l’esprit et de satisfaire le cœur, une philosophie conforme aux principes de la grande famille platonicienne, l’amour, l’esprit, l’unité ? Mais la philosophie n’est pas comme la poésie, qui suffit à tout quand elle est noble et brillante ; quelque vœu que l’on fasse pour une hypothèse philosophique, il faut la discuter, la détruire même, si sa base est fragile, et la reléguer parmi les fictions et les espérances. L’uniformité des lois du monde est un grand et fécond principe, reconnu depuis Platon par toute philosophie d’un ordre élevé ; mais la nature de ces lois uniformes, cette triplicité constante dans chaque unité spécifique, que M. Lamennais prétend déduire de la Trinité des personnes dans l’unité de la substance divine, cette Trinité divine qu’il considère comme le principe