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UN HIVER AU MIDI DE L’EUROPE.

particulières. Tout en suivant la même distribution, ils ont apporté dans les vestibules et dans les escaliers les changemens de goût que l’architecture devait amener. Ainsi l’on trouve partout la colonne toscane ou dorienne ; des rampes, des balustrades, donnent toujours une apparence somptueuse aux demeures de l’aristocratie. Cette prédilection pour l’ornement de l’escalier et ce souvenir du goût arabe se retrouvent aussi dans les plus humbles habitations, même lorsqu’une seule échelle conduit directement de la rue au premier étage. Alors, chaque marche est recouverte de carreaux en faïence peinte de fleurs brillantes, bleues, jaunes, ou rouges. »

Cette description est fort exacte, et les dessins de M. Laurens rendent bien l’élégance de ces intérieurs dont le péristyle fournirait à nos théâtres de beaux décors d’une extrême simplicité. Ces petites cours pavées en dalles, et parfois entourées de colonnes comme le cortile des palais de Venise, ont aussi pour la plupart un puits d’un goût très pur au milieu. Elles n’ont ni le même aspect, ni le même usage que nos cours malpropres et nues. On n’y place jamais l’entrée des écuries et des remises. Ce sont de véritables préaux, peut-être un souvenir de l’atrium des Romains. On y retrouve en quelque sorte le prothyrum et le cavœdium ; le puits du milieu y tient évidemment la place de l’impluvium. Lorsque ces péristyles sont ornés de pots de fleurs et de tendines de jonc, ils ont un aspect à la fois élégant et sévère dont les seigneurs majorquins ne comprennent nullement la poésie ; car ils ne manquent guère de s’excuser sur la vétusté de leurs demeures, et si vous en admirez le style, ils sourient, croyant que vous les raillez, ou méprisant peut-être en eux-mêmes ce ridicule excès de courtoisie française.

Au reste, tout n’est pas également poétique dans la demeure des nobles majorquins. Il est certains détails de malpropreté dont je serais fort embarrassé de donner l’idée à mes lecteurs, à moins, comme écrivait Jacquemont en parlant des mœurs indiennes, d’achever ma lettre en latin. Ne sachant pas le latin, je renvoie les curieux au passage que M. Grasset de Saint-Sauveur, écrivain moins sérieux que M. Laurens, mais fort véridique sur ce point, consacre à la situation des garde-manger à Majorque et dans beaucoup d’anciennes maisons d’Espagne et d’Italie. Ce passage est curieux à cause d’une prescription de la médecine espagnole qui règne encore dans toute sa vigueur à Majorque, et qui est des plus étranges[1].

  1. Voyez Grasset de Saint-Sauveur, p. 119.