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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

de deux ames impérieuses et de deux esprits arrogans. Les lettres des ambassadeurs français et italiens sont d’autant plus précieuses qu’elles corroborent et sanctionnent toutes les inductions et tous les faits contenus dans les correspondances des ambassadeurs anglais. La vérité est que les envoyés d’Élisabeth n’avaient aucun intérêt à exagérer la situation de l’Écosse et les erreurs de Marie. Ils savaient bien à qui ils avaient affaire, et que toute leur influence auprès de Cecil et de sa maîtresse dépendait de la complète exactitude de leurs récits.

On ne lui laissa pas long-temps le loisir des tournois et des fêtes. Ceux même qui ont trempé dans le meurtre de Darnley, se joignent aux confédérés, marchent contre Bothwell et forment une ligue si formidable, que Marie et son nouveau maître se renferment dans le château de Borthwick. Les capitaines et les soldats indignés se refusent à l’appel de leur suzeraine. Bothwell ne compte plus qu’une seule compagnie de gens d’armes qui lui soient dévoués, celle du capitaine Cullen, complice de l’assassinat de Darnley. Assiégés dans Borthwick, ils s’enfuient de deux côtés différens, Bothwell par une poterne, Marie déguisée en soldat, bottée et éperonnée ; ils se rejoignent à Dunbar. Malgré l’autorité sacrée du nom royal, ils ne peuvent réunir que deux mille hommes, et vont se retrancher sur la colline de Carberry. Après une tentative inutile de pacification, essayée par l’ambassadeur Du Croc, Bothwell, s’apercevant que la plupart de ses soldats désertent, sort du camp, et s’avance, précédé d’un héraut, vers le camp ennemi. Ici se place une scène féodale d’un admirable effet, que Robertson a fort mal exposée, faute d’en posséder les élémens historiques. Aux sons de la trompette du héraut, James Murray de Tullybardine se présente comme champion du roi assassiné. Bothwell refuse de combattre un adversaire qui n’est pas « son pair. » Morton se présente aussitôt, et offre le combat, à pied, à outrance, à l’épée (two-handed), qu’on soulevait avec les deux mains, tant elle était lourde. Lyndsay de Byres, parent de Darnley, lui dispute cet honneur, implore les barons, les prie de ne pas lui enlever son droit et de lui accorder la permission de se battre pour sa cause. Morton lui cède, et le prie d’accepter sa propre épée, le vieux glaive (two-handed) qui avait appartenu au guerrier célèbre Archibald Bell-the-Cat, énorme instrument que l’on suspendait derrière l’épaule comme un carquois, la poignée se trouvant au niveau du casque et la pointe traînant à terre. Lyndsay s’arme, s’agenouille devant la ligne de bataille, prie Dieu à haute voix de fortifier son bras contre le criminel, et attend Bothwell.