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LA HOLLANDE.

Que ceux dont l’esprit se tourne de préférence vers les merveilleuses inventions de la poésie populaire ne s’attendent pas à trouver ici ces légions de fées, de sylphes, de génies terrestres et aériens qui peuplent les vastes contrées de l’Orient et les mélancoliques solitudes du Nord. Il est vrai que cette mythologie d’une race primitive et poétique a été introduite en Hollande. Il est vrai, comme l’a dit un écrivain, que sur les bords de l’Amstel, comme sur les bords de l’Elbe, on a cru aux elfes qui dansent le soir dans les prairies, aux nixes habitans des eaux, qui entraînent les jeunes filles dans leurs grottes de cristal. Mais ces créations fabuleuses ont disparu bien vite devant l’austère réalité. Le merveilleux enfanté par l’imagination de l’homme ne subsiste pas long-temps, s’il n’est soutenu par l’évènement irrégulier que l’ignorance appelle un phénomène, ou par l’aspect d’une nature étrange et mystérieuse. Placez en face d’une telle nature l’homme simple et impressionnable qui ne connaît encore ni les lois de la physique ni celles de l’astronomie, et qui pourtant veut se rendre compte des choses singulières qu’il observe : soudain vous allez avoir les symboles fantastiques de l’antiquité et du moyen-âge. Le volcan s’allume, la terre s’ébranle : ce sont les Titans enfermés dans le sein des montagnes qui se tournent sur le flanc et cherchent à respirer. Le tonnerre gronde : c’est le dieu Thor qui se promène sur son char d’airain attelé de deux boucs. Les Pyrénées étonnent, par leurs longues ondulations et leur cime imposante, le regard du voyageur : c’est Hercule qui a entassé l’une sur l’autre ces masses de terre pour faire le tombeau de sa bien-aimée Pyrène. En Allemagne, la petite crevasse noire qui s’ouvre dans l’intérieur des montagnes conduit à une route profonde où habitent les nains gardiens des trésors ; en Suède, les lacs cachent dans leur enceinte des villes englouties pour leurs péchés ; en Norvége, les longues et sombres forêts de sapins sont peuplées d’une foule de petits êtres dangereux à rencontrer. Ici un roc fourchu apparaît sur la crête d’une montagne, et le peuple raconte que Roland, dans sa colère, l’a fendu de son épée. Là on distingue sur une dalle une empreinte pareille à celle d’un pied de cheval : c’est le coursier de saint Olaf qui y a laissé cette trace de son passage. Le bruit du Rhin, au détour de Lurley, c’est le soupir d’amour d’une magicienne. Les blocs erratiques disséminés dans les plaines de la Scanie sont les pierres que les géans se jetaient à la tête dans leurs jeux et dans leurs luttes, et les nuages flottans sur les collines de l’Écosse cachent dans leurs replis la grande ombre de Fingal.