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well vont divorcer. Bothwell a réuni une troupe de ses amis, et il compte, dans la journée d’aujourd’hui jeudi, enlever la reine et la mener à Dunbar. Jugez si c’est de son aveu ou non ? Vous en saurez des nouvelles vendredi ou samedi, si vous trouvez bon que je vous fournisse encore des renseignemens. À minuit[1]. »

L’espion était bien informé. Bothwell, avec huit cents lances, rencontre le cortége de Marie à deux lieues d’Édimbourg, sur le pont d’Almond, et, après un simulacre de combat et de violence, la conduit dans son château de Dunbar. « Ne craignez rien, disait un affidé de Bothwell à Melvil, fait prisonnier avec elle, tout ceci est du consentement de la reine[2]. » — « La reine, écrit Grange à Bedford[3], ne s’arrêtera pas qu’elle n’ait ruiné tout ce qui est honnête dans le pays. On lui a persuadé de se laisser enlever par Bothwell pour accomplir plus tôt leur mariage. C’était chose concertée entre eux avant le meurtre de Darnley, dont elle est la conseillère, et son amant l’exécuteur. Beaucoup voudraient venger l’assassinat ; mais on redoute votre reine (Élisabeth). On me presse de me charger de la vengeance, et de deux choses l’une, ou je le vengerai, ou je quitterai le pays. Bothwell est résolu à se défaire de moi, s’il le peut ; elle a placé son fils (Jacques Ier) entre les mains qui ont tué son père. Dites-moi, je vous prie, les intentions de votre maîtresse. Je m’appuierais plus volontiers sur l’Angleterre ; mais, si nous nous rejetons sur la France, je crois que nous y trouverons de la faveur[4]. »

En deux jours, le divorce est prononcé. Après avoir habité quelque temps dans le château de Bothwell, elle monte à cheval et se rend avec lui à Édimbourg. Aux portes de la ville, les soldats jettent leurs lances pour échapper à l’accusation de haute trahison ; Bothwell descend de cheval, prend la bride du palefroi de la reine et la conduit ainsi jusqu’à la citadelle, pendant qu’une salve d’artillerie salue cette entrée triomphale, remarquable par l’humilité affectée du vainqueur et l’obéissance simulée de la reine. Les bourgeois, affligés, se taisaient, et les protestans mêlaient l’ironie à leurs exécrations. Il y avait deux mois qu’une ligue formidable, dans laquelle entraient comme à l’ordinaire les confidens intimes de Marie, entre autres Melvil, s’était formée contre Bothwell ; l’existence de cette ligue est prouvée pour la première fois par la découverte de la correspondance secrète entre

  1. Archives d’Angleterre.
  2. Mémoires de Melvil, pag. 80.
  3. Mémoires de Melvil, pag. 80.
  4. Copie de cette lettre, archives d’Angleterre.