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pendues ont recommencé ; elle a retrouvé ses chants de joie ; on n’y entend plus parler de ces attentats dont l’épouvante est arrivée jusqu’en Europe. Buénos-Ayres reste ce qu’elle était, la capitale des provinces de la confédération argentine. L’homme qui préside à ses destinées peut aujourd’hui disposer de ses forces pour calmer les agitations intestines : il était puissant au moment de la déclaration du blocus, il est puissant encore au milieu de son peuple ; trois années de guerre ne l’ont point ébranlé.

Le tableau que nous venons de tracer des affaires de Buénos-Ayres, provoque sans doute de pénibles réflexions. C’est un spectacle douloureux de voir un gouvernement comme celui de la France, trompé par ses propres agens, se lancer, sur de faux renseignemens, dans une guerre de trois années à deux mille lieues de distance, et, désertant ses principes conservateurs, aller, sur la foi d’un simple consul, allumer la guerre civile, la soudoyer de son or, lui donner ses armes, la couvrir de son drapeau, sans être certain d’avance des sympathies nationales ; puis, comme pour s’étourdir sur la responsabilité du sang versé au milieu d’assassinats politiques, de vengeances de partis, dont il est peut-être la première cause, accréditer contre son ennemi des fables atroces, afin de rendre l’opinion publique elle-même complice de ses erreurs. Si c’était un fait isolé, inoui, sans probabilité de retour, nous n’insisterions pas ; le mieux serait de couvrir d’un voile les fautes commises. Mais il n’y a pas de raison pour que, d’un bout du monde à l’autre, nous ne voyions se reproduire à chaque instant de semblables querelles, aussi légèrement engagées et plus légèrement conduites encore ; car, nous n’hésitons pas à le déclarer, la cause du mal réside dans la composition même du corps consulaire et dans ses attributions. S’il est une prière que nous croyons devoir adresser à notre gouvernement, c’est de se montrer sévère dans le choix des hommes qu’il envoie comme ses représentans à l’étranger : il faut que nos agens consulaires soient vraiment des hommes de consistance et d’autorité, pour maintenir la dignité de notre pays parmi l’espèce d’hommes qui émigrent pour aller chercher fortune sur des terres lointaines. Qu’on rappelle à nos consuls qu’ils sont avant tout des agens commerciaux. C’est une chose désolante de voir le nom de la France exposé toujours à couvrir des passions personnelles ou de folles rêveries. En cherchant à présenter notre démêlé avec la République Argentine sous son point de vue réel, nous ne nous sommes pas dissimulé combien il était difficile de faire revenir l’opinion publique d’une erreur adoptée depuis trois ans, et si fatale dans ses résultats. Nous craignons bien que cette leçon de l’expérience ne soit perdue pour l’avenir ; cependant nous avons cru qu’il était de notre devoir d’en consigner ici le souvenir.


Un Officier de la flotte.