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des Reyna-Fé : l’un d’eux était gouverneur de la province de Cordova, un second y exerçait les fonctions de commandant militaire, les deux autres y occupaient de hauts emplois. Le dictateur Rosas ordonna qu’on les saisît, les accusant hautement de l’assassinat de Quiroga. Trois furent pris, le quatrième échappa ; nous avons déjà dit comment il termina sa vie. On leur fit leur procès, mais on ne respecta point assez les formes judiciaires protectrices de l’innocence ; ils furent condamnés à mort et exécutés[1].

À la mort du gouverneur de Santa-Fé, du célèbre don Estanislao Lopez, un soupçon abominable fut jeté dans le public ; mais rien ne le justifie : Rosas n’avait aucun intérêt à se délivrer par le poison d’un ami si long-temps éprouvé. Don Domingo Cullen, qui lui succéda, fut fusillé au moment où il mettait le pied dans la province de Buénos-Ayres : ici la preuve du crime est dans son utilité. Cullen était l’ennemi de Rosas.

Le sang du docteur Maza fume encore. Cet infortuné vieillard présidait la chambre des représentans au moment où l’on immolait son fils, compromis dans une conspiration. La Mazorca fit remonter le crime du fils au père ; le vieillard fut égorgé. Rosas repousse avec horreur toute idée de complicité dans le meurtre, mais les proscrits argentins en font peser sur lui toute la responsabilité.

Si le général Rosas a trempé dans toutes ces atrocités, il faut le flétrir ; nulle raison d’état ne peut justifier de tels actes. Mais ces accusations que nous venons de répéter ici, il n’y a que ses mortels ennemis qui les portent contre Rosas. Ils l’accusent d’avoir organisé lui-même la Société populaire, d’appuyer son administration sur une horde de bandits toujours prêts à frapper du poignard les victimes qu’il désigne. Il faut l’avouer, les Outre-potenciers, comme les nomment les proscrits argentins, se sont signalés dans ces derniers temps par des actes affreux. Nous craignons de répéter, avec les hommes respectables du pays, que Rosas n’est pas toujours le maître d’arrêter ses féroces amis. Les passions populaires déchaînées par l’invasion du général Lavalle, par les cruautés, vraies ou imaginaires, que les fédéraux, à leur tour, reprochent à l’armée que nous avons appelée libératrice, ont détruit toute idée de justice et d’équité dans ce malheureux pays. Au moment de voir tous les liens sociaux se dissoudre, une anarchie épouvantable désoler les provinces argentines, les plus cruelles vengeances s’exercer en semant partout des ruines, les hommes qui aiment encore leur patrie se rallient autour du général Rosas, dont le nom est puissant parmi le peuple, dont la volonté n’est jamais méprisée en vain, qui dispose de l’armée, et qui seul peut encore sauver la république ; mais ils repoussent avec indignation la responsabilité de ces horribles forfaits, dont on cherche à souiller et le chef de l’état et eux-mêmes.

Depuis plusieurs années, la France n’apprend plus rien de cet homme

  1. Ce sont les unitaires seuls qui accusent Rosas d’avoir fait égorger son ami ; Rosas et tous ses partisans rejettent ce crime sur les unitaires, dont Quiroga était l’ennemi mortel ; la famille de Quiroga partage l’opinion du général Rosas.