ce dernier, dont la déposition originale[1] se trouve aux archives d’Angleterre.
— Madame, répondit Darnley, je suis bien jeune, je peux m’être trompé. Vous savez que j’ai peu d’amis, et vous voudrez bien me pardonner.
— Sans doute ; mais vous vous défiez de moi. Je sais vos soupçons actuels et vos plaintes éternelles. N’avez-vous pas eu l’idée de quitter l’Écosse ? Ne prétendez-vous pas avoir découvert un complot dont vous devez, dites-vous, être victime ?
— On me l’a dit.
— Qui ?
— Lord Minto. Il affirme que l’on vous a remis à Craigmillar une lettre, rédigée d’après vos directions, signée par certains seigneurs, et qui, soumise à votre signature, contenait mon arrêt de mort. Non, madame, je ne penserai jamais que vous, qui êtes ma propre chair et mon propre sang, vous consentiez à me faire aucun mal. Quant aux autres, s’ils l’essaient, ils le paieront cher, à moins de me prendre quand je dormirai.
— Soupçonnez-vous quelqu’un ?
— Personne. Je vous prie seulement de me tenir compagnie, et de ne plus me laisser seul, comme vous avez fait.
— Volontiers. Vous êtes bien peu en état de voyager. J’ai fait venir une litière, dans laquelle on vous portera jusqu’à Craigmillar.
— Je vous accompagnerai donc, mais si vous consentez que nous soyons, comme par le passé, compagnons de table et de lit (at bed and board).
— Il en sera comme vous le dites ; seulement vous vous guérirez avant tout. Je compte vous faire prendre les eaux de Craigmillar. Ne parlez à personne de ce qui a lieu entre nous ; cela pourrait donner de l’ombrage à quelques seigneurs.
— Et qu’y trouveraient-ils à redire ?
Elle le quitta ; aussitôt il alla confier ce qui lui arrivait, cet étrange retour de l’affection royale et féminine, à Crawford, l’un des gentilshommes favoris de son père.
— Qu’en pensez-vous ?
— Je n’aime point tout ceci, lui dit Crawford. Elle vous traite en enfant et en prisonnier. Pourquoi ne pas aller droit à Édimbourg loger dans une de vos résidences ?
- ↑ Manuscrit avec étiquette de Cecil, archives d’Angleterre.