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cheur virginale, comme aux premiers jours de la création ; » il entonne un dithyrambe en l’honneur de la belle et sublime nature, de la « noble poésie, vie brûlante et inépuisable de l’ame, etc. » Après de telles divagations, qu’on ne suit pas sans un peu d’inquiétude, l’auteur entreprend de se justifier en disant : « Ces idées, en contraste avec les horribles et dégoûtantes scènes que j’avais sous les yeux depuis si long-temps, me sont apparues irrésistiblement… Elles seules pouvaient me rendre la force nécessaire pour continuer la tâche odieuse et pénible de peindre les hommes sous l’aspect infernal. »

M. Arbanère s’est flatté sans doute d’éviter la monotonie en s’échappant ainsi du cadre méthodique où il s’est imprudemment enfermé. Il est vraiment fâcheux que l’écrivain, au lieu d’avoir foi dans les qualités estimables de son style, ait trop souvent essayé de produire sa pensée avec une coquetterie qui n’est plus de notre siècle. La phrase qu’il développe en ces grandes occasions est comme ces vêtemens dont la coupe a vieilli mais dont l’étoffe solide et tramée en conscience semble narguer les modes passagères. En somme, on devra à M. Arbanère un livre sage, honnête, souvent instructif, d’une érudition sincère et désintéressée, un livre dont on pourrait peindre d’un seul trait les mérites divers en disant qu’il est académique. Nous espérons que cet éloge sonnera agréablement à l’oreille de M. Arbanère, qui s’annonce comme membre de plusieurs sociétés savantes, et qui, emporté par son admiration pour nos corps littéraires, s’est écrié, au beau milieu d’un chapitre sur les institutions de Romulus : « Qui serait assez insensé pour méconnaître l’immense utilité de l’Académie des Sciences, les éminens services que rend l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ? Ne faudrait-il pas être un vandale pour méconnaître les bienfaits de l’Académie française et de l’Académie des Beaux-Arts ? Les travaux de l’Académie des Sciences morales et politiques ne sont-ils pas d’une évidente nécessité pour la conservation et le bonheur des sociétés humaines ? » M. Arbanère, il est bon qu’on le sache, est déjà membre correspondant de l’institut. Si les académiciens en titre lisent les lignes que nous venons de transcrire, ils résisteront difficilement à la tentation d’appeler au fauteuil celui qui les a dictées, afin d’apprécier dans le tête-à-tête un confrère aussi passionné dans sa correspondance.


V. de Mars.