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intérieures de nos voisins. Espartero ne peut pas demander davantage. Il ne dépend pas de nous d’empêcher que nos sympathies aient été pour la reine et pour le parti modéré. Tout ce que la France peut donner au parti exalté victorieux, c’est sa neutralité ; elle la donne. Elle fait plus même, à ce qu’il paraît ; on a parlé de conseils donnés au nouveau gouvernement ; on a dit qu’on faisait des vœux pour qu’il parvînt à établir un peu d’ordre en Espagne. Nous venons de voir comment il y a réussi ; mais n’importe : ce qui est bien constaté, c’est que, s’il n’y réussit pas, ce ne sera pas la faute de la France.

Quant à l’Angleterre, elle se donne moins de peine pour dissimuler son action. Elle a raison ; les évènemens l’ont rendue maîtresse du terrain. Espartero avait pensé un moment à flatter une vieille passion des Espagnols en déclarant la guerre au Portugal pour la navigation du Douero ; l’Angleterre ne l’a pas permis. Nous ne savons pas précisément où en est le fameux traité de commerce, mais à coup sûr il se négocie, et en attendant, les marchandises anglaises entrent en foule dans la Péninsule par le moyen d’une contrebande organisée sur la plus grande échelle. Il paraîtrait même que le désintéressement britannique songe à s’assurer d’autres gages de la reconnaissance des Espagnols pour les bienfaits dont les a comblés leur dernière révolution. Il est question d’un consul anglais qui vient d’arriver à la Havane, et qui a commencé par y prêcher contre l’esclavage des noirs. On sait que, lorsque les Anglais veulent s’établir quelque part, ils commencent par exciter une partie du pays contre l’autre. C’est une tactique qui pourrait bien leur servir à enlever à l’Espagne ses dernières colonies, comme elle leur a servi déjà à abaisser l’Espagne elle-même. Nous ne tarderons peut-être pas à apprendre qu’il y a eu aussi quelque insurrection d’Indiens dans les îles Philippines. Jusque-là, il demeure évident que l’indépendance nationale de la Péninsule, menacée par la France, a été sauvée par le pronunciamiento. Les Espagnols amis de leur pays ont grand tort de n’en être pas convaincus.


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