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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

réprobation de l’église, s’il persistait à se mettre en possession. De son côté, la régence provisoire a déféré la protestation au tribunal suprême de justice, haute cour qui a remplacé l’ancien conseil de Castille dans la plupart de ses attributions, et qui réunit la juridiction de notre conseil d’état et celle de notre cour de cassation.

C’est ici surtout que se montre dans toute sa passion le gouvernement de parti qui dirige en ce moment les destinées de l’Espagne. Au lieu de rendre un avis motivé avec la dignité et l’autorité qui conviennent à une magistrature aussi élevée, le tribunal suprême de justice a libellé contre le vice-régent de la nonciature un véritable pamphlet, aussi remarquable par la véhémence de sa rédaction que par son interminable longueur, car il n’occupe pas moins de dix colonnes et demie de la Gazette de Madrid. On ne sera pas étonné du caractère réactionnaire de ce document quand on saura que le tribunal suprême a eu le sort de tous les corps publics de l’Espagne, et qu’il a été presque entièrement renouvelé par la junte de Madrid, à la suite du mouvement de septembre, malgré le privilége d’inamovibilité attaché en Espagne, comme partout ailleurs, aux membres de la magistrature. Ce tribunal appartient maintenant tout entier à l’opinion dominante ; ceux qui étaient d’une autre couleur ont été exclus. L’ancien ministre Calatrava en est le président.

« On ne peut cesser de s’étonner, commence à dire le tribunal dans son manifeste, que don José Ramirez de Arellano, prenant le titre de vice-régent, se soit proposé de contrarier les dispositions (las providencias) de la régence provisoire, ces dispositions ayant été prises par elle, en pleine connaissance de cause, pour le bien des administrés. Une pareille conduite serait à peine excusable chez un nonce qui, étant étranger et lié par des relations spéciales aux maximes et aux intérêts de la cour de Rome, pourrait avoir quelques motifs pour la suivre ; mais elle mérite une qualification plus dure, quand celui qui la tient est un Espagnol qui doit tout ce qu’il est et tout ce qu’il peut être au gouvernement de son pays. »

Après ce début, le tribunal examine longuement le droit de don José Ramirez Arellano à prendre le titre de vice-régent de la nonciature apostolique, et conclut en lui refusant cette qualité. Or, don José Ramirez exerce ses fonctions depuis plusieurs années en vertu d’un rescrit émané directement du saint-siége, et auquel le gouvernement de la reine a accordé son assentiment dans toutes les formes voulues. Il est vrai que ce rescrit a été présenté par l’archevêque de Nicée, qui n’a jamais été reconnu comme nonce, et c’est sur ce