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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

a déposé son colonel, brave militaire qui avait planté le premier, sur les fortifications de l’ennemi, à Ramalès, le drapeau de son régiment. Les organes du gouvernement ont annoncé, il est vrai, que des mesures allaient être prises pour réprimer ces coupables excès ; mais de pareils faits n’en sont pas moins des indices certains du ravage qui se fait dans les rangs de l’armée. Qui sait d’ailleurs jusqu’à quel point l’autorité actuelle pourra punir de pareils désordres. Le temps n’est plus où Espartero était investi de cette force morale qui lui permit de rétablir la discipline dans ses troupes par de terribles exécutions militaires ; il a donné lui-même l’exemple de la rébellion et brisé ainsi dans ses propres mains l’autorité du commandement.

Enfin, comme si ce n’était pas assez de tout ce qui précède pour montrer ce qu’apporte toujours après lui l’entraînement révolutionnaire, l’Espagne était destinée à voir s’accomplir dans son sein des scènes qui n’ont pas eu d’analogues aux jours les plus néfastes de la révolution française. Une partie de sa population a pris au pied de la lettre les idées de loi agraire, et comme il n’y a pas loin en Espagne de la théorie à la pratique, les attentats à la propriété ont commencé.

Dans un bourg des environs de Cadix, appelé Conil, les habitans se sont partagé sans façon une grande partie des terres appartenant à une dame Lobaton et au marquis de Villafranca. Les propriétaires dépossédés se sont plaints à la députation provinciale, sorte de conseil administratif qui tient à la fois de notre conseil de préfecture et de notre conseil-général. Celui-ci a ordonné à l’ayuntamiento de Conil de faire procéder à la restitution ; mais l’ayuntamiento, appliquant à sa manière la souveraineté dont la dernière révolution a investi les municipalités, a refusé de s’en charger. La députation provinciale a été obligée de s’adresser au chef politique de la province. Alors, sur un ordre péremptoire venu de l’autorité exécutive, l’ayuntamiento a répondu qu’il était prêt à obéir, mais qu’il manquait de force pour se faire soutenir, et que les révoltés étant au nombre de deux cent cinquante, il avait des craintes graves pour la tranquillité publique. Il a fallu donner l’ordre à cinquante chevaux qui étaient à Véjar de se porter sur Conil, et d’autres forces ont été dirigées sur ce point. C’est un journal de Cadix qui rapporte le fait.

À Casabermeja, près de Malaga, on en a fait autant. Près de treize cents fanègues de terre (mesure équivalant à un hectare et demi) ont été ainsi distribuées. Quand la justice s’est présentée pour faire