et des frénésies qui passent toute croyance. Je vous laisse à penser si les Écossais se félicitent de leur acquisition. Quand ils auront maugréé tout à l’aise, ils prieront sans doute Dieu de les délivrer, en lui envoyant une bonne fin le plus tôt possible. Quelle espérance et quel avenir ce gouvernement-ci nous promet-il ! »
Ce texte que Randolf, observateur désintéressé, exprimait avec aigreur, Knox le développait en chaire. Il montrait l’adultère, l’inceste, la danse, la musique, la messe, l’idolâtrie, Rome, Babylone, toutes les iniquités fondant à la fois sur l’Écosse. L’Écosse bourgeoise l’écoutait avec fureur. Il faut s’arrêter un moment en face de cet homme extraordinaire, dont la correspondance embrassait l’Europe, qui avait des émissaires dans tout le Nord révolté contre Rome ; plus fier que les barons écossais, plus populaire que les bourgeois, sans autre ambition que celle de mener à fin son œuvre ; sans pitié pour les femmes, sans condescendance pour les seigneurs ; pur de cupidité, de vanité, de bassesse, d’égoïsme, de duplicité ; mais une ame dure. Il conspire avec les seigneurs contre Marie, pour sa foi contre Rome, pour le Nord contre les Guises, Marie Stuart et Darnley. Cette figure s’élève au-dessus des gentilshommes avides et sanglans qui l’entourent ; elle les dépasse de toute la hauteur qui sépare le fanatisme de la vénalité. Un premier essai pour s’emparer de Marie et de Darnley fut déjoué. Murray dirigeait le complot ; Knox y trempait. La célérité des mouvemens de Marie et l’imprévu de ses démarches trompèrent ses ennemis. Elle dispersa les insurgés et détruisit les conciliabules des réformateurs. Enfin, le 29 juillet 1565, à six heures du matin, dans la fatale chapelle d’Holyrood, couverte de ces mêmes vêtemens de deuil qu’elle avait portés aux funérailles de François II, la jeune et brillante veuve donna sa main à ce jeune homme que l’aversion publique désignait au poignard. Après la cérémonie, à la prière instante de son mari, elle échangea son costume funèbre contre la parure de mariée. Elle avait vingt-trois ans, elle épousait un adolescent de dix-neuf ans.
Nous avons vu jusqu’où s’est avancée à travers les résistances et les violences du Nord et du calvinisme, Marie Stuart, armée des ressources de l’Italie et de la France, enflammée de passions et de volonté éperdues. « Ce n’est pas une femme, disent les Écossais, c’est quelque divinité païenne ; c’est Diane ou Vénus.[1]. » Ils ne comprennent pas tant de facultés et tant de fautes. Que d’imprudences !
- ↑ Knox, 265, — vox Dianæ, non Dei.