Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
REVUE DES DEUX MONDES.

si bien, et qui soutint si haut, au milieu du bruit des armes et du tumulte des factions, la majesté des lois.

Je citerai au premier rang des mémoires la vie de Bayard, écrite par le loyal serviteur, dans laquelle les vertus du héros sont racontées avec une naïveté charmante qui rappelle Joinville célébrant les vertus de saint Louis, et les faits d’armes retracés avec une vivacité digne de Froissart ; dans laquelle enfin éclate cette noble nature, cette ame admirable de Bayard, gloire morale de la France au XVIe siècle, de Bayard qui prit au sérieux la chevalerie à laquelle personne ne croyait plus, et dont beaucoup s’amusaient encore ; qui en réalisa l’idéal dans sa vie guerrière. Bayard se montre tout entier, avec la candeur de ses vertus, dans la narration du Plutarque inconnu qui a écrit son histoire et qui était digne de l’écrire.

Mais ce qui fait le mieux connaître de quelle trempe étaient ces hommes du XVIe siècle, ce sont certains mémoires comme ceux de d’Aubigné, de Tavannes, de Montluc. D’Aubigné attache par l’énergie de son caractère, l’ardeur de ses passions et de ses préjugés, et un bizarre mélange du puritain et du gascon. Tavannes interrompt sans cesse son récit par des digressions souvent fatigantes, mais dans lesquelles on rencontre çà et là des pensées, des vues, des boutades, pleines de vigueur et d’originalité. Tavannes, écrivant dans son château de Sully, comme il le dit, tandis que les épées étaient de repos, prédisait qu’une révolution pouvait venir et renverser la monarchie ; Tavannes, tout fier gentilhomme qu’il était, parlait éloquemment du besoin d’égalité en France, et avec une singulière pénétration avertissait son pays de ne pas se ruer vainement sur l’Italie et de se porter du côté du Rhin ; Tavannes enfin avait pensé à tout, même aux fortifications de Paris.

Blaise Montluc, à l’âge de soixante-quinze ans, tout couvert de cicatrices, après une vie d’aventures, de siéges, de batailles, écrit, pour les capitaines ses compagnons, son odyssée belliqueuse à travers laquelle il a déployé un caractère à la fois de Spartiate et de Romain ; Montluc se sert d’une plume qui semble taillée à coups de dague, et que le vieux guerrier tient d’une main aussi ferme que son épée.

La littérature politique est le cachet d’un siècle où a vécu Machiavel ; cette littérature date en France d’un peu plus haut, car elle remonte à Commines, mais il ne l’avait qu’entrevue et sous un jour particulier. Au XVIe siècle, la littérature politique embrasse un bien plus grand nombre d’objets, et les considère sous des points de vue