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LA LITTÉRATURE FRANÇAISE AU XVIe SIÉCLE.

autre chose que l’effort de quelques ultra-classiques pour se faire de modernes anciens et de Français Grecs et Latins ; effort analogue à celui par lequel, dans différens pays de l’Europe à la fois, on essayait de substituer les vers mesurés des anciens aux vers rimés des modernes, ou même les vers latins aux français. Ronsard et ses amis voulaient que leurs vers français ressemblassent le plus possible à des vers antiques. Les odes de Ronsard étaient jetées dans le moule pindarique ; il introduisit dans le langage poétique, plus rarement il est vrai qu’on ne l’a dit, des mots composés à la manière des mots grecs ; dans son essai d’épopée, la Franciade, il calqua, avec un rare talent d’imitation, la marche de son récit sur l’Iliade. Ce qui est évident pour la forme n’est pas moins réel pour le fond : cette école de Ronsard, qui, dans le mètre, dans la coupe des strophes, dans toutes les parties extérieures de l’art, s’efforce, en faisant souvent violence au génie de la langue française, de reproduire le génie antique ; cette même école, par ses sentimens, par son tour d’imagination, non-seulement par la manière dont elle s’exprime, mais par les choses qu’elle dit, se rapproche encore de l’antiquité ; elle n’est pas moins païenne par le cœur que par le langage. L’amour que chantent Ronsard ou Dubellay, c’est l’amour antique, c’est celui d’Anacréon, de Properce, de Tibulle, et non l’amour chevaleresque, celui des trouvères, de Pétrarque ou de Dante. Ainsi, tout se tient dans cette révolution littéraire, et le fond et la forme sont également empruntés à l’antiquité.

Dans les genres littéraires jusqu’ici énumérés, les siècles antérieurs peuvent réclamer leur part ; mais ce qui appartient en propre au XVIe siècle, ce qui est pour lui la littérature, non du passé, mais du présent, c’est l’histoire ; c’est surtout cette quantité de mémoires qui fondent alors définitivement parmi nous un des genres dont nous aurons le plus exclusivement à nous enorgueillir, cette série de productions remarquables qui, traversant le XVIe, le XVIIe et le XVIIIe siècle, aboutira enfin à ces Mémoires que nous attendons tous et que je ne me lasserai pas de supplier publiquement l’auteur de mettre au jour, ces Mémoires, qui seront ceux de notre époque, signés de l’un des plus illustres noms de ce siècle, du nom de Châteaubriand.

Outre les mémoires, le XVIe siècle a son histoire dans la narration que de Thou, par un respect pour l’antiquité qui ne surprend point à cette époque, a écrite en latin, et à laquelle il a imprimé ce caractère de gravité, apanage de la famille parlementaire qu’il représente