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REVUE DES DEUX MONDES.

— Eh bien ! vous avez lu ? Signez, si vous voulez être sujet fidèle ; signez, sous peine d’encourir mon mécontentement !

— Madame, répondit Murray après un silence, voici une résolution bien hasardeuse et une demande aussi péremptoire qu’imprévue. Que diront d’une précipitation pareille les ambassadeurs et les princes étrangers ? Qu’en dira la reine Élisabeth, avec laquelle vous êtes en négociation à ce sujet, et dont vous attendez la réponse ? Consentir à vous voir épouser un homme qui ne sera jamais le défenseur de l’Évangile, la chose du monde la plus à désirer ici, un homme qui jusqu’à ce jour s’est montré l’ennemi, non le protecteur des protestans, c’est chose qui m’inspire une répugnance invincible.

— Vous me refusez donc ?

— Oui, madame.

Plaintes, colère, mots injurieux (sore words), menaces de Marie, remontrances, supplications, larmes, furent inutiles. Le sang-froid de Murray déconcerta Marie.

— Retirez-vous ! lui dit-elle, vous êtes un ingrat, et vous me paierez cette insulte !

Après avoir défié Murray, elle provoque Élisabeth par une lettre « pleine, dit Throckmorton, d’éloquence, de dépit, de fureur, de colère et d’amour. » Elle était maîtresse passée dans ces sortes de compositions. Elle lui dit qu’elle a bien voulu la consulter au moins pour la forme, mais qu’elle se décide enfin à marcher seule, à se choisir un époux et à être reine en effet. Hauteur, dignité, majesté, voiles d’une inutile violence. Marie appuie ses passions sur l’audace. Épouser Darnley, c’est menacer les protestans et Élisabeth. Darnley premier prince du sang anglais, Darnley catholique, rallie tous les catholiques autour de lui. Les protestans grondent et tremblent. Ces trois personnes, Marie de Guise, Riccio, Darnley, une femme passionnée, un vieux secrétaire italien, un enfant écervelé, restent en butte à toutes les haines. « David (Riccio) fait tout ici, dit Randolf. Il est l’unique ami de la reine et l’élu de son cœur. C’est leur conseiller et leur ministre. Ce que l’on dit est incroyable ; les bruits qui se répandent ne peuvent s’imaginer. Il s’amasse contre Darnley une animosité, un péril extrêmes. Son arrogance devient intolérable ; pour supporter ses paroles, il faudrait être esclave et fait pour les outrages. Il n’épargne pas les coups, sans doute afin de prouver d’avance sa virilité, et distribue les marques manuelles de sa colère à ceux qui veulent bien les recevoir. On dit qu’il entre dans des fureurs